La Cité de L’OmbreIl ne reste plus de l’humanité qu’une communauté souterraine privée de la lumière du soleil pendant 2 siècles, sauvegardée, enfermée, dans une gigantesque caverne sans issue. Leur seule lumière, artificielle, est sur le point de s’éteindre à tout jamais, les laissant bientôt dans le noir absolu.
Pour Gil Kenan, jeune protégé de Robert Zemeckis et réalisateur du fantastique Monster House, la science-fiction est ici un moyen d’imaginer un avenir possible pour notre espèce. Qu’elle se soit éteinte dans les flammes, la maladie, les radiations, la famine ou sous les eaux, importe peu. C’est la survie qui compte, la survie de cette cité, seul vestige d’une humanité déchue. Voir ce à quoi nous pourrions un jour être réduits donne à réfléchir, et cette nouvelle société qui est ici dépeinte est pertinente et passionnante à découvrir.
La photographie chaude confère au film une identité et une ambiance mystérieuse. La cité entière est baignée par cette lumière chaleureuse et artificielle qui donne au métal des reflets ambrés, qui réchauffe les visages des citadins et illumine les chevelures, qui transforme la moindre fontaine en jets de dorures, mais qui demeure irrémédiablement factice.
Les décors rétro-futuristes participent également à installer une ambiance étrange et merveilleuse en dévoilant une cité mécanique usée par le temps faite de bric et de broc.
Quelques très bons acteurs apparaissent ici et là : Bill Murray parfait en imposteur las de cette vie sans issue, Tim Robbins en père dévoué, Martin Landau en mentor adjuvant.
La mise en scène inspirée de Gil Kenan a beaucoup de sens à donner en deuxième lecture du film. Il est assurément un réalisateur qui connaît ses outils filmiques et en tire toujours le meilleur parti.
Tout le scénario de Caroline Thompson (scénariste d'Edward aux Mains d'Argent, La Famille Addams et L'Etrange Noël de de Mr Jack) adapté du livre de Jeanne Duprau, s’articule sous la forme d’une enquête. Les architectes de la cité y ont laissé des indices permettant de découvrir une probable sortie. Mais le Maire ne l’y entend pas de cette oreille et reste passif. Pour Gil Kenan, même plongé dans le noir, l’humain (en la personne de Bill Murray) ne sait toujours pas tirer les leçons de ses erreurs et les répète même inlassablement. Heureusement, la jeunesse folle et innocente se charge de découvrir la vérité. Le film entier a alors des allures de films d’aventures souvent plus enthousiasmant qu’alarmiste, permettant même une allusion aux Goonies.
Ce n’est que dans le dernier acte que Gil Kenan redevient poignant dans son discours en nous tendant un miroir de toutes les choses que nous avons et que nous sommes menacés de perdre, en tant qu’êtres humains et habitants de la planète Terre.
La Cité de l’Ombre devient alors porteur d’un message fort, délivré non pas aux générations futures comme cette boîte de Pandore léguée de père en fils pendant 200 ans jusqu’à son ouverture, mais bien à la génération présente. La Cité d’Ember devient le symbole d’une humanité arrivée en bout de course. Les pannes fréquentes du générateur provoquent des black-outs plongeant les protagonistes du film dans une obscurité totale très angoissante, tout comme notre propre monde nous alerte fréquemment de ses dysfonctionnements et d’une panne imminente si nous ne savons pas nous rassembler pour réparer nos erreurs. Mais comme les citadins d’Ember, nous colmatons des tuyaux usés, en espérant que la grande machinerie durera le plus longtemps possible. Jusqu’à ce que l’ampoule éclate.
Note : 9/10