The Wrestlerde Darren Aronofsky
4ème film d'Aronofsky et 4ème grosse claque... Et toujours là où on ne l'attend pas, renouvellement de style perpétuel tout en conservant le même thème, l'obsession. On pouvait émettre de sérieux doutes à la vision de la bande-annonce, Rourke qui joue un catcheur, une esthétique de documentaire... Tout ça sentait le mélo larmoyant, le voyeurisme et la facilité. Mais heureusement parfois tout cela est trompeur, le résultat est une oeuvre dans laquelle acteurs, scénario et mise en scène sont en symbiose totale, un feu d'artifice d'émotions tout simplement bouleversant de naturel et de sincérité, c'est un chef d'oeuvre qui entre directement au panthéon des plus grandes performances d'acteurs et qui souligne une fois de plus que Monsieur Aronofsky est un génie de la mise en scène.
Il nous avait rendu fou avec Pi, nous avait écoeuré et effrayé avec Requiem for a dream, ému et fait rêver avec The Foutain, avec The Wrestler il nous frappe en plein coeur et nous bouleverse jusqu'à très longtemps après la fin du film et le générique de Bruce Springsteen.
Quel heureux hasard que le rôle initialement prévu pour Nicolas Cage soit arrivé à Mickey Rourke! Rourke est né et a vécu pour incarner Randy "the ram" Robinson. Il ne joue jamais, ce personnage se révèle comme le miroir de sa propre existence et lui permet de se livrer comme jamais. Lui qui après ses excès et son désir d'auto-destruction n'intéressait plus personne à Hollywood, vient de jouer le rôle de sa vie. Cette ancienne gloire du catch qui n'existe plus que pour s'exhiber sur des rings anonymes, qui survit dans sa caravane mais qui a tout sacrifié pour sa passion.
Sa famille et sa vie passent après le catch, ce sport-spectacle qui ne nous avait jamais été montré sous ce jour.
Et Rourke, qui a beaucoup apporté de sa propre expérience, nous transperce le coeur à chaque scène, en quête de rédemption, gros coeur dans un corps de brute défigurée, il joue en permanence à la limite mais garde suffisamment de retenue pour que tout se ressente au naturel. En face de lui, sa fille Evan Rachel Wood joue un personnage d'écorché vif à fleur de peau, en manque d'amour et Marisa Tomei est superbe de sensibilité et de mystère.
Aronofsky adapte sa mise en scène et filme caméra à l'épaule au plus près des personnages, Rourke est souvent filmé de dos. Cette forme de mise en scène s'éloigne carrément de ce qu'on a l'habitude de voir au US (à part chez Van Sant) et se rapproche du nouveau cinéma européen. Il réussit à capter la moindre émotion et nous offre de façon brute la passion de ce catcheur (au sens biblique du terme). Aux scènes pudiques et intimes succèdent des scènes de combat très énergiques et bruyantes, et avant le final lors d'une scène de discours on ne discerne plus si c'est Mickey Rourke ou son personnage qui parle, mise à nue d'un homme qui a tout perdu par choix ou par erreur, et qui s'accroche à sa seule raison de vivre. Et il finit de nous terrasser par un plan final d'une force émotionnelle rare.
On quitte la salle avec une image quasi-christique de ce catcheur dont on a partagé la vie pendant moins de 2h et qui nous reste pourtant dans le coeur, les larmes au bord des yeux pendant longtemps.
Un film immense, une performance phénoménale, aucun superlatif ne convient vraiment pour décrire ce chef d'oeuvre.
9.5/10