The Chaserde Na Hong-jin
Gros buzz à Cannes en Mai dernier, critiques dithyrambiques, annoncé comme une bombe... Presque un an plus tard The Chaser débarque enfin sur nos écrans après avoir crée une grosse attente, le genre d'attente qui fait qu'on peut être très déçu si on ne relativise pas les propos des journalistes...
Alors qu'en est-il finalement? Le film tient-il ses promesses?
Et bien oui, carrément!
Depuis quelques années la Corée produit nombre de polars à grands coups de budgets colossaux. Le phénomène fait suite aux succès en occident de grosses réussites comme Memories of Murder, OldBoy ou encore A Bittersweet Life, films qui ont braqué les yeux du monde sur le pays du matin calme. Le problème c'est qu'à part quelques exceptions, la plupart des polars coréens ne présentent que peu d'intérêt et constituent plus un sujet de conversation pour bobos qu'autre chose. S'ils sont toujours très soignés sur la forme, ils se ressemblent tous et n'ont finalement pas grand chose à raconter...
Ce qui frappe au premier abord c'est une maitrise technique assez hallucinante, car The Chaser est un premier film! Que ce soit les cadrages, la lumière ou le montage, Na Hong-Jin a su s'entourer de l'équipe technique parfaite pour son projet avec par exemple le monteur de The Host et Memories of Murder ainsi que le directeur artistique de The President's Last Bang. C'est très beau, bien éclairé, on ne trouve pas d'effets de mise en scène qui ne soient pas justifiés... comme si le réalisateur avait l'expérience de plusieurs longs métrages, c'est jsute bluffant.
Bien sur il cède à tous les codes du genre avec des couleurs plutôt désaturées, une action qui se passe essentiellement de nuit et l'obligatoire scène sous la pluie, toujours très graphique mais qui ici trouve une justification formelle absente des autres tentatives du genre. Donc visuellement The Chaser s'inscrit complètement dans cette vague de films coréens qui sont juste inattaquables sur le plan visuel car sans défaut...
Mais contrairement aux autres, The Chaser possède des atouts qui le font largement sortir du lot. Si on retrouve souvent une violence crue, elle est ici utilisée de façon intelligente, parfois hors champ (mémorable passage à tabac au commissariat), parfois plein cadre, elle fait très mal dans ce film. Il n'y a qu'à voir ces scènes dans l'appartement du tueur (qui tue tout de même au marteau et au ciseau à roche!!) où on ressent sans problème la souffrance des victimes, à la limite du dégoût. Il y a aussi ce choix scénaristique risqué de dévoiler l'identité du tueur dès les premiers instants du film. Ailleurs ça ferait un film qui tourne en rond et qui n'a rien à dire, ici ça nous montre bien que l'intérêt est tout autre...
De plus le film profite d'une excellente gestion du rythme et du fait que l'action se passe sur une période de temps très courte, cela permet de créer une réelle tension qui va crescendo et atteint vraiment des sommets! On se dot plusieurs "oh non! Ils vont pas oser quand même!"... Et bien si, ils osent pas mal même, et réussissent à nous surprendre plusieurs fois, le sommet restera la scène du tabac...
Mais ce n'est pas tout, car à la manière de ce qu'a fait Bong Joon-Ho sur Memories of Murder, The Chaser nous dresse un portrait de la police coréenne pas vraiment flatteur, incapables et préférant s'occuper d'une merde lancée sur le maire plutôt que d'un tueur en série...
Au chapitre des réjouissance on se doit de parler de l'interprétation sans faille de l'ensemble des acteurs. Ha Jung-woo confirme tout le bien qu'on pensait de lui depuis Time et Breath de KKD et campe un tueur vraiment déstabilisant, entre la bêtise, la nonchalance et la folie furieuse. Mais c'est surtout Kim Yun-seok qui impressionne, lui qu'on n'avait jamais vraiment remarqué dans ses seconds rôles habituels nous démontre un talent fou, et réussi même à nous faire aimer ce personnage de pourri (ancien flic devenu proxénète) pour qui cette recherche devient une sorte de quête de rédemption.
Une première oeuvre d'une force rare donc, dont les seuls défauts se situent plutôt au niveau du scénario qui dans sa dernière partie laisse apparaitre quelques facilités jusque là absentes, mais ça n'est qu'un détail comparé à la réussite de l'ensemble.
Maintenant il n'y a plus qu'à espérer que le réalisateur transforme l'essai et qu'il ne reste pas celui d'un seul (grand) film.
8.5/10