Gran Torinode Clint eastwood
A bientôt 80 ans, et avec derrière lui une filmographie impressionnante (30ème film en tant que réalisateur en pré-production), le grand Clint n'a plus rien à prouver à personne. Dernier grand dinosaure d'Hollywood, la Mecque qui lui a refusé un 1er rôle pendant 10 ans avant de comprendre son potentiel chez Sergio Leone, dernier grand maître de la mise en scène classique, à ne surtout pas confondre avec démodée ou ringarde, il repasse une fois de plus derrière la caméra et, plus surprenant, devant! On l'espérait sans vraiment y croire, sa prestation est grande et prend tout le monde par surprise.
Alors qu'à la vision de la bande-annonce on pouvait attendre une sorte de retour d'un Harry Callahan retraité et reprenant les armes pour un baroud d'honneur, un vigilante flick avec un papy nerveux et armé... Mais non, Clint est bien trop intelligent pour faire ce genre de truc qui n'aurait pas été crédible 5 minutes. Pleinement conscient de son âge et de ses limites, il livre un film-somme, un regard dans le rétroviseur sur une carrière exceptionnelle, saluée mais aussi démolie parfois par ceux qui voient le mal partout. Et quelle belle réponse à ceux qui l'ont taxé de facho à la sortie de Dirty Harry!!! Jouant un ancien combattant de la guerre de Corée complètement aigri et accumulant les propos racistes, on sent bien que Clint règle ses comptes et qu'avec son statut il peut tout se permettre.
Et tout le film suit le même cheminement et sonne clairement comme un bilan de fin de carrière. Ceux qui le verront en restant au 1er degré le trouveront décevant et n'y verront qu'un film mineur indigne du réalisateur. Mais en creusant un peu, on retrouve du Dirty Harry, du Honkytonk Man, de l'impitoyable... Il faut avoir vu ses films pour saisir la profondeur de Gran Torino.
Avec sa mise en scène toujours au top car directement hérité des plus grands aux côté desquels il a tout appris (Siegel, Leone pour ne citer qu'eux) et ne cédant jamais à l'esbrouffe visuelle, Eastwood livre un film aux apparences conventionnelles, bourré de clichés sociaux et au scénario trop convenu mais qui vu au second degré est empreint d'une mélancolie (entendre Clint chanter à la fin donne des frissons), d'une recherche de rédemption et surtout, et c'est bien là que l'oeuvre est très forte, d'une profonde réflexion sur le deuil et la mort, qu'elle soit provoquée ou subie...
Il y a bientôt 20 ans qu'il a commencé à prendre conscience de ça (la mort hante la totalité d'Impitoyable, c'était en plus la mort d'un genre cinématographique). Film après film Eastwood continue son dialogue avec la grande faucheuse, dialogue qui s'intensifie au fur et à mesure que les années passent. Gran Torino se ressent presque comme une conclusion pour l'artiste qui à la manière de cette fabuleuse auto a traversé les époques sans perdre son charme, on sait tous qu'elle arrivera bientôt mais on espère que la véritable conclusion arrivera le plus tard possible car le jour où il ne sera plus cet artiste nous manquera beaucoup.
8/10