7,5/10
Moby Dick de John Huston - 1956
3ème adaptation du roman culte de Melville que j'ai pas lu, donc en terme d'adaptation je sais pas ce que ça donne mais l'aura du livre est telle qu'on se doute qu'on s'approche juste un peu du livre, on parle d'un livre qui a presque imposé un style et quand on parle d'une quête vengeresse dans ce genre c'est toujours comparé à Moby Dick ou du moins citer en première influence. Première surprise c'est de voir à quel point ça vieillit bien, alors oui y a des FX désuets mais on voit que tout a été filmé en fonction de cette baleine en caoutchouc et pour le cacher le plus possible et ça fonctionne, alors qu'un film comme indy 5 a déjà mal vieillit, le film de Huston passe l'épreuve du temps avec brio.
Bon j'y vois cependant pas un grand film, y a des petits trucs qui m'embêtent, déjà l'intro. Alors j'aime bien qu'on ne voit Achab qu'après 30 minutes de film et on voit bien que le film commence vraiment quand il apparaît enfin, tout la première partie dresse le portrait de personnage à l'aura mythique et même presque mystique, son nom fait taire tous les marins, c'est son corps qu'on dit mutilé et qui impose forcément le respect, un homme qui rumine sa vengeance et qui est prêt à tout. Mais voilà à part ça les 30 premières minutes sont un peu longuettes, alors c'est cool on voit Orson Welles dans un one man show bien trop long et on nous présente les personnages mais c'est pas captivant. Et puis j'ai un autre souci, notre porte d'entrer dans le film est le personnage de Ishmael et je trouve le choix de l'acteur problématique, il est trop vieux pour un personnage de ce type (alors il est ptet comme ça dans le livre, mais là on a un clairement un quarantenaire et moi j'imagine un jeune homme dans la vingtaine).
Après 30 minutes le film part donc sur les océans et on va vivre avec ses hommes, dans un premier temps on découvre surtout ce métier de chasseur de baleine, et clairement toute cette partie est passionnante, on passe du temps avec eux, on voit tous les postes, et c'est vraiment un coté aventure à l'ancienne qui fonctionne. Et puis on a donc Achab, ce personnage emplit de haine qui prendra des décisions irrationnelles pour assouvir cette vengeance, un capitaine dément ravagé par la haine, son dernier plan est clairement mythique et marque la rétine pour toujours, sa fin est sans pitié et violente mais aussi clairement misérable. Sa haine est tellement puissante qui réussit à "contaminer" tout son équipage qui le suivra jusqu'au bout (la fin est quand même folle, alors qu'il est mort, ses hommes foncent devant cette mort certaine eux aussi). C'est un film sur la folie, sur la folie d'un homme, sur la folie des hommes. Huston arrive vraiment à retranscrire la folie de Achab, un homme absolument prêt à tout et qui ne lâchera pas. Ca le rend vraiment puissant à l'écran, quand il parle on l'écoute, même si on voit qu'il court à sa perte. Huston ne se contente donc pas de faire un grand film d'aventure, il signe aussi un film avec une approche philosophique sans que ce soit trop prout prout relou, les références bibliques sont pas lourdingues, la thématique sur l'âme humaine est réussie, tout ça à travers la traque d'une légendaire baleine blanche. A noter que le romancier Ray Bradbury a participé à l'adaptation.
John Huston est un grand cinéaste, y a rien à redire là dessus, le mec a quand même des sacrés classiques mais clairement il s'est vraiment illustré dans 2 genres, le film noir avec son définitif Asphalt Jungle (alors je sais qu'il a fait le Faucon Maltais mais vraiment ce film pour moi c'est pas possible) mais surtout le film d'aventure parce que bon entre The Man Who Would Be King, The Treasure of the Sierra Madre et ce Moby Dick on parle clairement d'un boss du game. Ici il montre tout son savoir faire technique, avec les moyens de l'époque il signe un film dynamique, prenant et dont certains plans sont iconiques en diable (la première apparition de Achab tout comme la dernière est grandiose). Alors on a la reconstitution d'un massacre de baleine (image d'archive ou pas), c'est clairement du autre temps autre moeurs là.
Gregory Peck sur le papier ça peut être un choix surprenant, John Huston d'ailleurs voyait bien son père dans le rôle, longtemps Peck j'ai été un peu dur avec lui, dans les films où il jouait le héros au grand coeur ou parfait, il était souvent bon mais souvent neutre aussi, ça aurait pu être n'importe qui à sa place et puis j'ai appris à l'apprécier et je trouve que c'est quand même un sacré acteur et ici clairement je vois personnage à sa place, il est dans un contre emploi total et il peut cabotiner par moment, mais ce cabotinage est voulu par le rôle et il bouffe l'écran comme jamais, il est clairement Achab (enfin je dis ça sans avoir lu le livre donc on peut me contredire), pour moi il tient vraiment le personnage et ne se fait pas bouffer par le rôle très shaskpearien. Richard Basehart par contre je suis clairement pas convaincu comme j'ai dis plus haut je le trouve trop vieux, mais pas que, je le trouve pas très bon aussi, heureusement le casting de trogne pour les seconds rôles nous font oublier ça et ça fait plaisir de voir un mec comme Harry Andrews dans un vrai rôle, ce mec qui a enchainé les seconds rôles est toujours un mec qu'on est content de voir.
Huston signe un film à la limite de la mythologie fantastique, et clairement ça donne envie de lire le roman (bon j'aurai déjà du avoir envie de le lire avant). Huston pour moi était vraiment un réalisateur à part, alors que Hollywood a toujours eu un coté académisme bien pensant, Huston a pas attendu les années 70 pour faire du cinéma qui tâche.