Au cœur des volcans : Requiem pour Katia et Maurice Krafft
Werner Herzog - 2022
Ça commençait plutôt bien : l’
Agnus Dei du
Requiem de Fauré s’associant à des images montrant deux vulcanologues regardant une coulée de lave au loin, tandis qu’en voix off, Herzog expliquait qu’il voulait rendre hommage, à travers son documentaire, à ces deux personnes, Maurice et Katia Krafft.
Rendre hommage… il utilise de nouveau l’expression à la toute fin, au moment de leur mort au Japon, là aussi avec un extrait du
Requiem.
Hommage… pas besoin d’être expert en étymologie pour deviner que le mot dérive de « homme ». Or, justement, l’homme, l’humain, m’a semblé partir en fumée au fur et à mesure que passait le film, comme si les innombrables coulées pyroclastiques (le film m’a au moins permis de découvrir ce terme) avaient fini par recouvrir leur sujet, avec à la clé, du moins en ce qui me concerne, une absence totale d’émotion au moment du plan final.
La faute sans doute au continuel va-et-vient entre une approche documentariste, visant à expliquer, à raconter l’histoire de ce couple atypique, et une autre plus contemplative, visant à restituer le travail visuel de ces vulcanologues qui peu à peu semblent avoir délaissé leur travail scientifique pour une posture de voyageurs artistes. Ce va-et-vient était attendu mais il m’a paru finalement assez pauvre, échouant d’un côté à rendre attachant Maurice et Katia Krafft, accablant de l’autre les somptueuses images d’une atroce bande son. Je ne dis pas cela pour Fauré bien sûr, mais pour cette bouillie de world music stridente qui gueule, qui pathossise plein tube pour nous faire comprendre que oui, les volcans ça peut être tragique. Tout cela participe d’une pompe solennelle qui m’a fait regretter les vingt premières minutes de
Koyaanisqatsi, de Godfrey Reggio, durant lesquelles la puissance et la grâce de la nature était magnifiée par les compositions inspirées de Philip Glass. Le goût atroce de certaines séquences est inexplicable car enfin, j’ai souvenir des musiques du groupe allemand Popol Vuh dans ses films de fiction qui justement, touchaient à une certaine grâce et une certaine puissance, le tout sans agression des tympans. Sinon, puisque l’on parle de sons, un détail mais qui me semble révélateur : on n’entend finalement presque pas la voix des Krafft. Herzog nous dit qu’ils sont comme ceci, qu’ils évoluent comme cela, mais comme il aurait été plus intéressant d’entendre de temps en temps les intéressés s’exprimer pour faire sentir directement leur personnalité et partant, rendre plus tragique leurs derniers instants.
Et puis il y a cette succession de vignettes qui retracent chronologiquement les éruptions marquantes filmées par les Krafft, succession qui au bout d’une demi-heure n’est pas sans susciter un peu de lassitude, à tel point que je me suis pris à rêver d’une scène qui m’eût secoué de ma torpeur, celle où l’on aurait vu un Klaus Kinski en tenue de vulcanologue se mettre à éructer et à gueuler sur un volcan, l’intimant d’arrêter de le faire chier (voire lui pissant dessus de rage pour tenter de l’éteindre !)
Il paraît qu’il existe un autre documentaire sur les Krafft,
Fire of Love, d’une certaine Sara Dosa. À voir peut-être, ne serait-ce que pour vérifier si la réalisatrice a mieux su qu’Herzog restituer l’humain des cendres des deux époux.