Il y a encore quelques semaines, j’ignorais complètement l’existence de ce film, et aujourd’hui c’est clairement une des meilleures surprises cinéma de l’année. Alors bon, je vais pas survendre le film, ce n’est ni un chef-d'œuvre, ni même un grand film, par contre c’est un film qui transpire l’envie de cinéma à quasiment chaque plan, et ça c’est quelque chose d’assez rare pour être souligné. En ce sens, la comparaison que fait l’affiche française avec les cinémas de Albert Dupontel et Guillermo Del Toro n’est pas mal venue, mais pour le coup je trouve que
Freaks out fait nettement plus penser à de Alex de la Iglesia, que ce soit dans le côté inégal mais réjouissant, l’aspect hystérique assumé qu’on peut y trouver, mais aussi dans des liaisons plus directes avec des films précis, et là dans ma tête vient clairement
Balada triste de la trompeta dans lequel on retrouve aussi cette envie de confronter l’univers du cirque avec un contexte historique qui ne prête absolument pas à rire à la base.
Sur un script plutôt délirant sur le papier (une poignée de freaks se retrouvent mêlés malgré au conflit de Seconde Guerre Mondiale en plein milieu de l’Italie), Gabriele Mainetti livre un mélange des genres plutôt réjouissant, où on change de ton d’une minute à l’autre (la présentation des personnages dans le cirque suivi du bombardement pose bien le niveau) sans que ça ne fasse forcé, et où on n’oublie jamais le plus important, à savoir le développement des personnages principaux. Alors clairement, on peut reprocher pas mal de choses au film en termes d’écriture si on cherche la petite bête, entre sa longueur un peu abusée (mais qui est signe, dans ce cas précis, d’une certaine générosité je trouve), des storylines moins développées que d’autres (les résistants mutilés, c’est une bonne idée, mais c’est un peu trop utilisé comme deux ex machina) et un conflit pas toujours super bien exploité (aucune mention de Mussolini, à croire que seuls les nazis foutaient la merde en Italie à l’époque), mais à côté de ça il y a des personnages qui existent vraiment, des arcs qui aboutissent sur une finalité cohérente, le tout toujours dans un très bon équilibre entre le premier degré et la volonté de faire du grand spectacle qui n’aurait aucune limite.
Le meilleur exemple sur ce point concerne l’antagoniste du métrage, et là on touche presque au génie tellement ce nazi à six doigts capable de voir l’avenir est pas loin d’être la meilleure idée du scénario. C’est un personnage bigger than life, écrit et joué comme tel, mais c’est aussi le tremplin pour permettre des séquences de folie (ce passage de danse avec des nazies sur la musique de Peer Gynt, c’est mortel
, idem pour la vision du futur qui est techniquement impressionnante
), des idées complètement autres (et hop, un nazi qui fait un moonwalk après avoir joué du Radiohead au piano
), mais aussi une écriture qui se prend au sérieux, et qui permet d’avoir un personnage travaillé (le mec fait tout ce qu’il peut pour sauver un empire dont il sait qu’il va connaître la chute, et demande seulement qu’on le prenne au sérieux).
Formellement, le film est en plus pas dégueu du tout, et autant j’avais pas trop apprécié ce que le réal avait fait sur son précédent métrage, autant là il m’a souvent mis sur le cul par son inventivité et sa capacité à livrer des séquences solides avec des moyens qui sont loin d’être ceux d’un gros divertissement européen (le film coûte quatre fois moins cher que n’importe quel Astérix en live action, ça montre qu’on a des choses à apprendre de nos voisins
). Si en plus on rajoute un casting très cool où personne n’est mauvais (les deux jouant les frères nazis s’en donnent à cœur joie, et le chef des mutilés n’est pas mal non plus dans son genre), et des effets visuels qui tiennent la route, on est clairement en face d’un film admirable à plus d’un titre. Alors encore une fois, c’est un film auquel on peut reprocher plein de choses, mais y’a pas à chier s’il y avait moyen de voir des propositions de cinéma comme ça plus souvent je signerais direct.