Michael Cimino, un mirage américain de Jean-Baptiste Thoret
(2022)
Je ne savais pas trop à quoi m’attendre avec celui-là. Avec Thoret aux commandes, je me doutais que ça n’allait pas ressembler au premier documentaire venu, et ça se confirme en grande partie avec notamment une approche très intéressante au début du métrage. Thoret l’avait expliqué avant la séance : son rapport direct avec Cimino remonte à loin puisqu’il y a une quinzaine d’années il avait eu l’occasion de faire une longue interview avec lui, sous la forme d’un road-trip au milieu des paysages américains, condition que Cimino avait apparemment imposé avec une phrase du style “pour comprendre mon cinéma, il faut voir les lieux dans lesquels je tourne”. Ce principe, il semblerait que Thoret l’ait pris comme note d’intention pour son documentaire sur le réalisateur décédé depuis, notamment avec un premier tiers du métrage entièrement dédié à The Deer Hunter, et plus précisément à la petite bourgade industrielle dans laquelle Cimino avait tourné à l’époque son film.
Une ville qui a évolué depuis, et pas forcément qu’en bien (comme beaucoup d’endroits, l’usine a fermé et une grande partie de la population est partie, des lieux emblématiques ont été détruits, etc…) mais qui garde toujours un souvenir vivace du tournage. C’est vraiment la meilleure partie du documentaire, où on constate l’effet impressionnant que peut avoir le tournage d’un film sur une population (la plupart ont des étoiles dans les yeux lorsqu’ils en parlent, et la ville a érigé des panneaux entiers pour immortaliser cette gloire temporaire), mais où il est aussi amusant de voir Thoret discuter avec des gens qui ont participé, voire joué, dans un très grand classique du cinéma américain, sans vraiment se rendre compte du statut du film depuis sa sortie. Tout ce passage, avec notamment une projection du film organisée dans le bar de la ville, est clairement le plus original et le plus émouvant du projet. Malheureusement, je dois avouer être moins convaincu par la suite, où le film prend une forme plus didactique et linéaire.
L’avantage avec Thoret, c’est qu’on ne présente plus les évidences, et ce documentaire n’est donc pas forcément conseillé à ceux qui ne sont pas familiers avec le cinéma de Cimino, mais à côté de ça j’ai l’impression que Thoret reste un peu trop en surface pour aborder les autres films du réalisateur. On va donc traiter chaque opus de sa filmographie un par un, souvent avec beaucoup de contraste de temps dédié à chacun d’eux (les films mineurs, sans surprise, sont vite évacués, notamment ses trois derniers), et je trouve dommage que le travail qui avait été fait autour de Deer Hunter ne soit pas reproduit sur les autres films car ça aurait vraiment pu donner un panorama très intéressant et diversifié sur l’Amérique de l’époque et d’aujourd’hui. A cela s’ajoute le fait que le film dure plus de deux heures, et que cela se ressent (à plusieurs moments je me suis dit “voilà la fin”, et en fait non), et du coup je me demande si la version courte diffusée sur Arte il y a quelques mois ne s’en sortait pas mieux de ce côté là, même si je me doute que l’analyse de la personnalité de Cimino doit y perdre forcément pas mal. Un documentaire sympathique donc, qui vaut surtout par sa forme soignée et son premier tiers fascinant, dommage que le reste soit plus classique.
6,5/10