Full Alert de Ringo Lam - 1997
Aucune idée de la raison pour laquelle
Diego par Johnny Halliday m'a hanté pendant toute la séance, en revanche je sais pourquoi j'aime tant ce film...
On apprécie le ciné HK pour son exubérance, sa folie, sa capacité à nous prendre à contre-pied ou à nous les mettre directement dans la tronche, mais toujours avec professionnalisme. Ben ici, on a juste gardé le professionnalisme. Lam donne en effet l'impression d'avoir baissé tous les potards du ciné local pour proposer un polar plus proche des persos que du grand spectacle. Dit comme ça, on peut prendre peur. Mais le loulou, qui a coécrit le script, savait pertinemment ce qu'il faisait et nous présente deux antagonistes humains et aux motivations simples. Pour cela, pas de blabla, des images et rien que des images. A l'heure où le moindre trauma prend 15 plombes à expliquer, ici celui de Lau Ching Wan consiste en un flashback de quelques secondes et à une simple supposition de Francis Ng. LA CLASSE! Il n'y a qu'à voir comment Tony Scott fait pareil dans
Man on Fire pour comprendre qu'avoir un perso torturé, ça ne veut pas dire lui faire réciter Freud et Lacan pour les nuls.
Avec ce background en tête, il peut nous présenter ses héros dans leur quotidien, ils ont de l'épaisseur et du charisme sans aucun côté héroïque. C'est même tout l'inverse. Ils sont faillibles et se plantent allègrement. D'ailleurs dans l'écriture, le film me fait bien plus penser à du Friedkin qu'à du Mann, alors qu'on compare sans cesse
Full Alert à
Heat au regard du flic et du braqueur qui se courent après, mais ça s'arrête là. D'autant que la course poursuite, qui termine un peu comme une scène du duel Pacino/De Niro, ressemble tellement aux méthodes de Wild Bill, que la filiation crève les yeux.
Parlons-en de cette course poursuite. Pas tape à l’œil pour un sous, elle est pourtant éblouissante de maîtrise, que ce soit dans ses idées, sa réalisation et son montage. Ca ne va pas à 100 à l'heure mais on flippe pour les protagonistes. Le passage entre les trams, qu'on sent bien improvisé, est juste dingue! Et la fin avec cette cascade, parfaite. Lam nous gâte et le tout sans esbroufe. Forcément, ça ancre le film dans une réalité à part, où le ciné existe mais où les coups font mal et tuent. Ca donne un film franchement viscéral et unique. Parce que j'ai beau rattacher chaque élément du film au ciné US, il a quand même un vraie identité HK. La tronche de Jack Kao qui fait flipper, même en calebard et veste de costard, ça n'est possible que là-bas. Comme ces ruelles cradingues qui côtoient ces buildings ou ce sentiment d'horizon bouché de partout, c'est l'ADN de ce cinéma qui ne se limite pas qu'à empiler les morts avec un vol de colombes en arrière plan.
Je n'ai pas encore parlé de rétrocession dans cette critique et ne le ferait pas. Parce que ce n'est pas un chant du cygne que je vois dans ce film malgré ses thèmes et sa date de sortie,
Election 2 le fera bien mieux et de façon plus explicite. Plus que la fin d'une époque, j'y vois un formidable trait d'union entre HK et les US, à une période où justement ces deux cultures se sont mélangées l'une à l'autre, pour le meilleur et pour le pire. Clin d’œil ultime à cette union contre nature, le fait d'avoir placé le braquage dans un champ de course rappellera aux cinéphiles
l'Ultime Razzia de Kubrick, mais je préfère y voir une sorte de retour à l'envoyeur au
Flic de Beverly Hills 2, où Tony Scott (encore et toujours
) citait amicalement John Woo avant tout le monde.
9/10