Très belle surprise que ce film d’épouvante qui avait fait son petit buzz à sa sortie mais que j’avais raté pour je ne sais quelle raison, il aura fallu donc attendre la découverte du second film de Kent pour que je me lance celui-là. Le moins qu’on puisse dire, c’est que c’est vraiment impressionnant de voir un tel niveau pour un premier long, c’est complètement maîtrisé en termes d’ambiance et de mise en scène, et du coup pas étonnant que le film ait beaucoup fait parler de lui à l’époque lors de ses passages dans des festivals. La grande force de Babadook, c’est clairement de prendre un pur sujet de cinéma d’horreur, mais de le transformer en thriller psychologique complètement malsain à travers une relation mère/fils qu’on qualifiera facilement d’instable (et c'est peu de le dire).
Le film joue en plus sur ce qu’on a l’habitude de voir dans le genre : généralement quand on a le point de vue d’une mère avec son fils à protéger, elle reste un personnage auquel on peut s’identifier facilement, mais là vu qu’elle est en partie la menace, ça donne quelque chose de vraiment étrange à suivre. Surtout que Kent a en plus la bonne idée de faire du gamin un personnage extrêmement irritant sur la longueur, et du coup non seulement on se demande quand est-ce que la mère va craquer, mais en plus on comprendrait tout à fait son point de vue si cela arrivait. Scalp me disait récemment sur le film que c’était un spot pour légaliser l’infanticide
, mais c’est justement le gros point fort du métrage justement, puisqu’on met le spectateur dans le même tourment que la mère, entre le devoir de sauver sa progéniture, et l’envie de faire taire ce sale gosse à jamais. C’est un peu le film idéal à montrer à quelqu’un pour le dégoûter d’avoir un enfant en fait
. Et puis il y a vraiment un travail intelligent de faire sur les peurs infantiles : au-delà de tout le côté psychologique qui constitue le côté effrayant du film, il y a aussi tout un rappel de la peur du noir, du monstre dans le placard, et c’est d’autant plus réussi que tout ça marche avec finalement pas grand chose (on ne voit quasiment jamais le Babadook, seulement des bouts par ci par là).
Pour le coup, on sent que Kent un déjà un sens inné de la mise en scène : en quelques plans elle sait poser une ambiance (la découverte du bouquin, ce malaise), elle sait jouer avec le montage pour créer des effets (à plusieurs moments on se demande encore si ce qu’on voit est réel), et ses influences sont très bien digérées (on pense au Polanski des débuts, et par moment à
Eraserhead, mais ça ne prend jamais le pas sur le style propre de Kent). Et puis paye ta direction d’acteurs magistrale : Essie Davis est une révélation (je l’avais vu dans un paquet de films en second rôle, mais elle ne m’avait jamais vraiment marqué) et le gamin est juste phénoménal tant il paraît possédé sur certaines séquences
. J’ai finalement peu de réserves sur ce film, la seule chose que je reprocherais serait peut-être la toute fin : je n’aurais pas craché sur un film qui se termine quelques minutes avant. C’est clairement pas une bobine que je recommanderais à tout le monde, c’est pas du film d’horreur type comme on en voit chaque année, mais pour ceux qui n’ont rien contre des expériences malaisantes ça peut carrément se tenter. Très curieux du coup de ce que va faire Kent par la suite, car là elle a l’air partie pour se faire une carrière bien diversifiée.