Vu le sujet, j'espérais un documentaire avec un certain recul, capable de définir avec une certaine objectivité la façon dont a pu se monter ce projet inachevé, et surtout capable d'identifier les causes de sa non-production, et autant les deux premiers tiers du métrage sont plutôt convaincants de ce côté là, autant j'ai beaucoup plus de mal avec le reste. Les qualités et les défauts de
Jodorowky's Dune tiennent dans un seul et même aspect, à savoir Jodorowsky lui-même, réalisateur dont je n'ai vu aucun film, mais personnage qui m'a toujours horripilé dans sa façon de s'exprimer et de concevoir l'art. Le bonhomme est d'un enthousiasme dingue, il lui suffit de parler pour qu'on ait l'impression que son Dune aurait été un film dingue, mais à côté de ça il faut voir le melon du mec, incapable de se remettre en question l'espace de quelques secondes. J'ai rien contre le fait de survendre un peu le projet, après tout il y a de quoi quand on voit ce qui était prévu à la base (Moebius, Giger, Pink Floyd et Dali sur un même film
) mais bon quand on te répète toutes les dix minutes que le film aurait été un chef-d’œuvre, qu'il aurait forcément marqué l'histoire du cinéma, voire qu'il aurait été le masterpiece ultime du 7ème Art (et là j'exagère pas, c'est dit texto au cours d'une interview
), c'est un peu difficile de les prendre au sérieux.
C'est con car le documentaire en lui-même est vraiment bien foutu, il y a de vrais efforts graphiques pour rendre vivant autant que possible un film inexistant, et les interviews sont toujours de qualité (à l'exception de Refn, qui est juste là pour faire son fanboy de Jodorowsky
), mais il y a un gros manque de recul par rapport au sujet, et ça se voit comme le nez au milieu de la figure lorsqu'on arrive au moment où Jodorowsky et son équipe présentent le projet aux investisseurs hollywoodiens. A partir de là, les intervenants perdent tous le sens des réalités, et rentrent dans un schéma pleurnichard où les producteurs américains sont très méchants et idiots parce qu'ils n'ont pas voulu produire un gros budget de plus de trois heures avec un mec comme Jodorowsky aux commandes
. Pas un seul des mecs se dit "on aurait pu faire des concessions pour donner vie au projet, on a été peut-être trop ambitieux", non, la totalité vit dans son petit monde où Jodorowsky est un mec qui a toujours raison, et tout ceux qui pensent le contraire ont tords, personnellement je trouve ça assez puant. La cerise sur le gâteau étant le petit montage final qui montre l'influence du projet sur des films hollywoodiens sortis depuis : autant des choix comme
Prometheus paraissent évidents dans la mesure où Giger travaillait sur Dune, autant certains sont quand même bien capilotractés, à l'image du comparatif avec
Contact, comme si un plan-séquence d'ouverture sur l'univers était une idée que seul Jodorowsky pouvait avoir
(puis bon l’utilisation qu'en fait Zemeckis n'a strictement rien à voir avec celle de Jodo). Bref, je connais pas les détails sur le réalisateur, mais il m'a tout l'air d'un fanboy de Jodorowsky incapable de remettre en question la vision qu'il a de son idole, et du coup ça fausse une bonne partie de la vision de ce documentaire qui, néanmoins, tient ses promesses dès qu'il s'agit d'évoquer la façon dont s'est monté le projet.