Je salue tout d'abord la maîtrise du gus qui amène au paroxysme le geste technique amorcé avec
Irréversible, consistant à abolir la distance entre la caméra et son objet, avec des plans-séquences proprement ahurissants d'immersion. Ainsi, on reste tout le long collés à ce jeune toxico, d'abord en vue subjective, puis en vue aérienne, l'accompagnant durant un trip cauchemardesque hallucinogène, à Tokyo, un trip se confondant avec le thème de la réincarnation bouddhique.
Mais voilà, ce genre d'exercice formel est lassant à la longue, nous baladant simplement entre les différents personnages rencontrés par le protagoniste, dans des lieux plus glauques les uns que les autres (le must, c'est cette incursion finale dans un Love Hotel. C'est raccord avec le thème et le ton, mais alors elle est spéciale la vision de Noé du cycle de la réincarnation ressemblant à une partouze géante sous acide), et aussi dans le temps (bien redondants d'ailleurs, au bout de 4 fois c'est bon on a compris avec l'accident ou le coup de feu), sans parvenir à produire derrière une progression dramatique satisfaisante, du coup ça n'aide pour s'intéresser au sort des personnages.
Alors oui,
Enter the void est clairement le genre de film qui divise. Je reconnais que Noé confirme ici qu'il est certainement l'un des cinéastes français les plus doués et innovants de sa génération au niveau de la pure technique (encore que l'ombre de Tsukamoto n'est pas loin...), mais au-delà de la puissante expérience sensorielle qu'il propose, on dirait qu'il ne reste pas grand chose. En effet, je trouve que Noé abuse de plans
trashy tombant trop souvent dans la provocation facile (comme l'accouplement et l'accouchement vus de l'intérieur à travers un pénis puis un vagin), et qu'il trompe un peu son monde avec un montage nous ressortant certaines séquences presque à l'identique sans véritable rebond scénaristique.
Du coup, il n'était peut-être pas nécessaire d'étirer un tel trip sur 2h40 avec ses couleurs fluos montées sur stroboscope, avec ses images "choc" qui finissent par ennuyer avec une forme qui varie peu en dépit d'une atmosphère toujours travaillée. On retiendra tout de même la symbolique du final, signature s'il en est du cinéaste, que beauté et souffrance peuvent cohabiter, via ce plan-séquence résumant tout le processus de la conception à la naissance (quand bien même il rajoute une couche exagérée, le mot est faible, dans cette volonté de réalisme cru et désenchanté).
Note : 4.5/10