Carlito's Way de Brian De Palma
Si il y a un seul film à retenir de De Palma c’est bien Carlito’s Way l’aboutissement de sa carrière, le meilleur script qu’il ait eu entre les mains et c’est bien aussi la première fois ou De Palma se dévoue totalement à son récit en mettant de côté ses obsessions habituelles et tout en dosant ses effets de style ce qui fait qu’on a là le film le plus classe de sa filmographie comme le double mature et posé d’un Scarface.
En annonçant la couleur dès l’intro qui nous montre la fin funeste du personnage, aucune surprise possible tout l’intérêt d’un grand film n’est pas dans son retournement final ou twist mais dans le cheminement et là on approche la perfection dans le développement de personnage. Le meilleur travail de David Koepp on a une ligne droite, claire et dense avec pas un seul bout de gras, pas une scène inutile. On suit un Al Pacino qui fait tout pour ne pas retomber dans les magouilles à sa sortie de prison et qui voit tout son environnement qui a changé sans changer et qui va l’attirer dans le gouffre à nouveau, le film enchaîne les scènes mémorables à partir de l’entrée de Viggo Mortensen absolument génial et touchant dans son rôle de petite frappe totalement perdu au bout du rouleau.
Ensuite c’est en deux scènes qu’on comprend tout l’amour que Pacino porte pour son ex, d’une poursuite sous pluie battante sur fond de musique classique ainsi que son intrusion pour se jeter dans ses bras sur une sublime chanson de Joe Cocker. Juste magnifique la scène romantique la plus juste d’un De Palma en état de grâce. Pas besoin de plus, d’ailleurs l’actrice est beaucoup plus convaincante que dans mes souvenirs en danseuse qui a vu ses rêves disparaitre petit à petit et qui fait tout pour survivre dans cette jungle comme son ex.
En filigrane on peut voir que De Palma continue de creuser son obsession hitchcockienne du double mais de manière plus subtile chaque personnage que Pacino rencontre étant une version miroir de ce qu’il est ou était. De la petite frappe prétentieuse qui lui donne le coup de grâce, à son ex qui ne cesse de se mentir sur sa vie et son futur, au gérant de boîte de nuit qu’il va devenir de force à son avocat cocaïné qui renvoi à ses excès passé probablement digne d’un Scarface, il faut voir là scène délirante de la villa au bord de l’eau on y retrouve tout le côté décomplexé de De Palma sur fond de I love Music des O’Jays.
Ce qui différencie aussi grandement ce film de la précédente collabo Pacino/De Palma, exit les 80s cubain bienvenue les 70s à la mode Porto Rico, une fois de plus Pacino maitrise une variation d’accent qui disparait peu à peu (d’ailleurs De Palma se moque de son apparence italienne sur le final) cette fois entrainé par les nombreuses scènes de danse dans des clubs et l’énergie du disco, ça met la pêche. Même Sean Penn pour une fois s’amuse, on le voit sourire pour livrer la meilleure prestation de sa carrière, dès son apparition on comprend le côté paumé qui va faire des boulettes entrainant Al Pacino dans sa chute.
En terme de réal il y a aussi tout un jeu de miroir des lunettes sur la table de billard à la glace du night club ou il interroge son futur employé jusqu’à son coup de poing ou il brise la glace de son couple, on a également de nombreux plans penchés, caméra subjective, de la double focale intégré de manière plus discrète que d’habitude focus sur les femmes du film et alors sur la fin là c’est le summum de sa carrière, les dernières 30 minutes c’est du grand art toute la panoplie y passe du ralenti sur les balles, la caméra qui fait du 360° sur fond de Labelle – Lady Marmelade, contre plongé, plan séquence pour une poursuite finale mémorable dans le grand central de New York. Du grand cinéma.
9/10