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Les Sept SamouraïsShichinin no samurai
Akira Kurosawa — 1954 — 10/10
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Un sommet du film d'aventures. Plus encore que son aspect spectaculaire, ce qui fait pour moi la valeur des Sept samouraïs, c'est son côté profondément humain. Akira Kurosawa est à l'image du leader des samouraïs incarné par Takashi Shimura, respectueux de chacun. Ainsi, le cinéaste met sur un pied d'égalité l'ensemble des personnages, même si bien entendu Shimada le sage et Kikuchiyo le chien fou, les deux personnalités opposées, sont mis en avant. Tous les protagonistes possèdent leur moment à eux, qu'ils soient samouraïs ou simples villageois. Kurosawa ne perd jamais de vue que toute l'intrigue tourne autour du sauvetage du village d'une bande de pillards. Il nous montre les villageois avec leurs qualités et leurs défauts, dans leur vie quotidienne, dans leurs rapports entre eux ou lors de leur travail dans les champs. Il est d'ailleurs éloquent que le film passe une bonne vingtaine de minutes uniquement avec les villageois, sans qu'on n'y voit l'ombre d'un des samouraïs du titre. Et lorsque ceux-ci apparaissent, ils ne phagocytent pas tout le récit autour de leur personne. Kurosawa passe néanmoins un moment à nous les présenter lors de la phase de recrutement, qui nous permet de les rencontrer un à un, pour découvrir leurs personnalités ou leurs aptitudes (cf. le test visant à étudier leur réaction et où chacun réagit différemment). Kurosawa aime ses personnages et il nous les fait aimer également.
Le deuxième aspect qui retient l'attention, c'est la description de la stratégie appliquée par le leader Shimada. De la construction des barricades jusqu'à la tactique pendant la bataille en passant par des escarmouches visant à éliminer des ennemis ou à leur subtiliser leur fusil, sa stratégie est expliquée de manière claire, visualisée notamment par le document où il indique le nombre d'ennemis vaincus, ce qui fait qu'on sait exactement ce qui se passe et pourquoi et favorise l'implication dans ce qui se passe à l'écran.
Les Sept samouraïs se distingue également par sa beauté picturale. Kurosawa multiplie les plans qui flattent la rétine: Toshiro Mifune assis prostré au sommet de la colline à côté de la tombe d'un de ses camarades, les passages avec les deux jeunes allongés dans le champ de fleurs, l'éveil d'une prostituée dont l'identité nous sera dévoilée quelques instants plus tard, le final se déroulant sous une pluie diluvienne...et des exemples comme ça, il y en a encore beaucoup d'autres. Le cinéaste multiplie les gros plans, comme pour mieux capter les tourments, les peurs, la lâcheté mais aussi la bravoure ou le sens de l'honneur qui caractérisent les protagonistes. La musique de Fumio Hayasaka possède un aspect presque solennel qui vient renforcer la gravité des événements. Il se permet une unique variation héroïque de son thème, lors du plan qui montre le drapeau à l'effigie des samouraïs et du village. Le spectacle est assuré lors des combats qui constituent la deuxième partie, que ce soit l'escarmouche visant à éliminer des bandits avant leur arrivée au village ou bien les assauts de ces derniers, qui vont des tentatives de franchir les barricades aux percées à cheval. S'il faut attendre un moment pour assister à ces affrontements, cette seconde moitié remplit parfaitement son objectif en multipliant les séquences d'action pendant une bonne heure.
Au casting, une belle brochette d'acteurs. Takashi Shimura en chef humble et plein de sagesse. Son mouvement de la main sur ses cheveux ou ses rires francs l'humanisent et le rendent hautement sympathique. Toshiro Mifune déploie une belle énergie en Kikuchiyo, samouraï insouciant à la personnalité torturée, qui est au centre de nombreuses touches d'humour du film. Se démarquent également Kamatari Fujiwara en guerrier aussi taciturne que doué, Isao Kimura en bleu de service dont le sens de l'honneur lui interdit de déflorer une jeune paysanne dont il s'est épris, Minoru Chiaki qui attire la sympathie par la bonhomie qu'il dégage et Yoshio Tsuchiya en villageois hanté par un événement dont il refuse de parler.
Malgré ses 3h27, on ne voit pas le temps passer. Les Sept samouraïs fait preuve d'une belle ampleur et met en exergue des vertus tels que le courage, le sacrifice, le sens de l'honneur sans sacrifier ses personnages sur l'autel du spectaculaire. Un idéal de cinéma!