Green zone - Paul "vomito" Greengrass - 2010
Découverte
Attention spoiler ci-dessous
Quelques semaines après le succès de Démineurs aux nominations aux Oscars 2010, un autre film sur la guerre en Irak fait son apparition dans les salles de ciné, en tenue de camouflage.
Green Zone est un film aussi frénétique que Démineurs était tendu, et un projet interrogateur à défaut d'être inquisiteur. Il est basé sur un livre que personne, ni même la production, semble avoir lu, puisque le récit du bouquin est centré sur le centre international localisé dans la zone de l'ancien palace de Saddam Hussein, la zone verte, une ville dans la ville, sorte d'oasis bien tranquille, extension impériale des US en terre irakienne, totalement incongrue, située au centre d'un Bagdad en ruines, lieu de siège, d'embargo, de guerre et de terreur. Au lieu d'avoir une adaptation d'un thriller politico-militaire, calme et feutrée dans cette zone de palais, on a plutôt un pseudo-documentaire avec des acteurs de renoms qui va nous trimballer un peu partout dans la capitale irakienne...
Greengrass connait deux types de réalisation qu'il pratique, le thriller d'action, type Bourne, et le quasi documentaire, comme United 93. Les deux étant très portés sur la shaky cam, le flou et l'emploi du zoom et dézoom à toutes les sauces. Il combine alors les deux pour aboutir à un mélange pas super digeste d'action presque non stop et de théorie complotiste, car au final il n'identifiera personne comme responsable des fausses allégations au sujet des armes de destruction massive cachées en Irak, principale raison officielle pour l'entrée des US en guerre. Cette histoire non résolue est simplement une excuse pour faire du Bourne une nouvelle fois, frappant et menaçant tout le monde pour obtenir des noms pour son enquête.
Matt Damon campe un adjudant chef de l'armée US, menant ses hommes sur des lieux dangereux où sont soi-disant planquées les armes de destruction massive selon ce que prétendent les rapports du renseignement. Après maintes opérations vaines, ce petit chef militaire commence à se poser des questions sur la fiabilité de ces rapports et de leurs sources, et après quelques pertes et petits bobos, il se demande enfin à quoi rime tout ceci. Le hic c'est qu'il est bien le seul militaire à avoir des doutes, les autres restants militaire jusqu'au bout des ongles: on agit et on ne pose pas de question, on pense encore moins. C'est très caricatural, mais limite moins ridicule que le questionnement presque soudain du perso de Damon. C'est franchement trop mal écrit pour être suffisamment crédible. Le pire est que ce perso va aller au-delà d'un simple questionnement personnel, qui aurait pu en rester là, et continuer à faire son taf comme tout bon soldat. Non il va décider de faire sa propre enquête perso à partir d'un livre qui contient des informations qui pourraient venir accréditer sa thèse d'une invasion US injustifiée. A ce propos, petit truc qui m'a gêné également, c'est que pendant qu'il mène cette enquête partout dans la ville, personne parmi ses chefs au camp de base militaire ne se pose la question d'où il est, qu'est-ce qu'il fout et ne lui assigne aucune mission. C'est pratique quand même. C'est tellement con et voyant que le scénario finira par lui donner une aide pour justifier ses nombreuses et longues absences.
Kinnear joue un agent de la Défense, manipulateur, arriviste et prêt à tout pour se faire bien voir, une petite pute donc, et il le fait plutôt bien.
Amy Ryan joue une journaliste du Wall Street journal il me semble, dont on se fout complètement et ça tombe bien car on la voit peu. Elle est là juste pour montrer que les journaux à l'époque ont gobé sans les vérifier, ce que des mecs comme Kinnear leurs ont servi comme des infos confidentielles, donc croustillantes et ayant valeur de scoop, alors qu'il s'agissait en fait que de mensonges maquillés, volontairement donnés par l'armée pour que ça paraisse plus crédible puisque c'est écrit dans les journaux. Nous voilà assommé d'un message de dénonce ultime: l'armée ils sont vilains et pas réglo avec les journalistes qui eux sont cons comme des balais et croient encore au Père Noël tellement ils sont naïfs. Là encore j'ai trouvé un truc qui sonnait pas très bien: que donne en échange cette journaliste à cet agent, de valeur suffisamment équivalente pour qu'il veuille bien lui lâcher des infos de cette importance ? Ce n'est jamais évoqué véritablement et ça m'a gêné. Quand l'image vous montre un pseudo-docu, le scénar et le récit devrait s'aligner pour un max de vraisemblance. Si on avait été là devant un actioner pur, bas du front assumé, ça m'aurait pas dérangé, mais là les attentes sont forcément différentes.
Enfin la CIA est représenté par un agent assez énigmatique (ou pas assez écrit si on voit tout en noir), joué par un Brendan Gleeson juste, qui sait que Damon est dans le vrai, va lui demander de faire le sale boulot en prétextant l'aider dans sa quête, en le manipulant un brin aussi (agent de la CIA on ne se refait pas), mais qui finalement en fera peu pour aider Damon à révéler la vérité. Dommage que cette relation n'ai pas été approfondie, ça aurait pu donner mieux et plus intéressant comme film.
Le matériau d'origine, le livre de Chandrasekaran, aurait dû donner une adaptation dans la ligne d'une satire politique, pas ce rollercoaster d'actions complotiste, jeu vidéo à la Tom Clancy se passant massivement en dehors de cette green zone.
Le gros malus, c'est la patte Greengrass, sa caractéristique, mélangeant, action, drama, zoom et dézoom à profusion, secousses visuelles dignes d'une route de campagne, qui s'acharne ainsi à nous convaincre, nous les spectateurs, que nous sommes sur le lieu, que le film est super immersif. Heureusement que le film n'était pas en 3D, sinon après deux heures de houle, j'aurai dû shampooiner mon tapis et mon canapé.
5.5/10