Assaut - John Carpenter (1976)
Première œuvre de John Carpenter (on oubliera sans mal Dark Star qu'il a co-réalisé, qui reste quoi qu'on en dise une œuvre d'étudiant sans réel intérêt artistique) et premier jalon d'une carrière riche et constante à venir, Assaut est ce genre de film qui cristallise d'emblée l'image que l'on a d'un réalisateur. Je le redis souvent à propos de Carpenter, qu'il est l'un des très rares à savoir imposer sa patte en un seul plan, à tel point que l'on pourrait reconnaitre son travail sans même avoir vu tous ses films : cette science du cadrage héritée du western classique (toujours en cinémascope, son format de prédilection), mélangé à l'influence innée des bandes horrifiques et SF européennes avec un usage parcimonieux mais recherché d'une imagerie sombre, et un habillage musical des plus minimalistes dont il a en général la charge (fils de musicien, il est multi-instrumentiste avec une préférence pour les synthés qui seront sa trademark). Tous ces éléments sont présents dès ce premier essai, portant au pinacle ce jeune réalisateur de 28 ans qui s'est trouvé immédiatement, là où d'autres auront mis parfois des décennies avant de trouver leur style.
Pourtant, Assaut n'est pas à proprement parler un film fantastique, ni même un film original, puisqu'il il s'agit d'un tribut assumé au cinéma d'Howard Hawks dont il signe une relecture toute personnelle de son hit Rio Bravo (d'ailleurs, Carpenter empruntera comme pseudonyme pour le montage le nom de John Wayne dans le film précité, histoire d'enfoncer le clou). A la fois victime et avantagé par le budget minimaliste, Carpenter sait qu'il ne pourra jamais mettre en scène un film d'époque et encore moins l’accommoder avec ses influences horrifiques, du coup, il va tout simplement moderniser l'intrigue mais préserver l'esprit du genre avec ses personnages vaillants mais cachant une part d'ombre, tantôt garants d'un certain ordre moral à l'instar de Bishop ou tout simplement à préserver leurs valeurs et leur instinct de survie comme Napoléon Wilson (qui annonce par de nombreux aspects le personnage de Snake Plissken, en se mettant volontairement à l'écart d'un système qui le catégorise et par l'emploi d'un gimmick "You got a smoke ?"). De fait, Carpenter va tendre plus vers l'esquisse que le développement, tant dans la caractérisation des personnages que dans la mise en scène qui est d'une économie stupéfiante d'effets, pas un mouvement qui semble en trop, pas de démultiplications inutiles d'axes (la première fusillade dans le hall du commissariat où chaque personnage est délimité par un cadre qui lui est propre pour ne jamais en sortir jusqu'à la fin de l'assaut), qui participent à la réussite du film mais surtout démontrer que Carpenter savait déjà éviter les erreurs de débutant tout en optimisant son budget serré. Impossible de ne pas parler de la musique du film, révolutionnaire pour son époque avec son rythme minimaliste et qui reste toujours aussi culte, renforçant le côté anxiogène et surréaliste de l'attaque, là encore une autre influence revendiquée se fait sentir, celle de la Nuit des Morts-Vivants, où la menace n'a pas de nom et avance telle une masse informe qu'on ne peut pas arrêter.
Œuvre parfaite s'il en est, tant elle semble toujours aussi moderne et révisionnable, Assaut reste à mon sens un film majeur de ma cinéphilie tant sa conception me fascine et dépasse le cadre du simple "petit film tourné entre potes", les français ont bien eu raison de défendre Big John contrairement à sa patrie qui n'a vu en lui qu'un simple tâcheron sans avenir dans l'industrie hollywoodienne car je le dis haut et fort toute son œuvre des 70's est juste fondamentale en termes d'impact sur l'évolution du cinéma fantastique et continuera encore à marquer le genre tout au long de sa carrière.
10/10