Pasolini - Abel Ferrara (2014)
En 2015, qui donne encore cher de la peau d'Abel Ferrara ? Malgré une immense traversée du désert entamée depuis le milieu des années 90, je continue a m’intéresser a ce cinéaste au parcours fascinant, commençant comme un apôtre du cinéma de genre pour finir aujourd'hui comme un auteur célébré par une certaine presse que je qualifierai de "bobo", car malgré les oripeaux chiants de ses derniers films, se cachent des propositions formelles intéressantes (
4h44 ou
Go-Go Tales). Si
Welcome to New York par son buzz opportuniste lui aura donné l'image d'un roublard retournant a son vieux fonds de commerce pour faire parler de lui, je crois encore Ferrara capable de me surprendre et l'annonce imminente d'un film centré sur les dernières heures du cinéaste Pier Paolo Pasolini me semblait être l'occasion parfaite de prouver qu'il en a encore sous le capot.
Tout commence bien, le choix de Dafoe est risqué mais la ressemblance physique avec le réalisateur est évidente (et en plus il joue son rôle en italien, doublé certes mais l'effort est appréciable) pour être convaincu, d'ailleurs les meilleurs moments du film restent ceux où on est dans son quotidien, finalement très opposé au ton sulfureux de ses œuvres. Mais très vite, on sent que Ferrara ne veut pas faire comme tout le monde et refuse une narration classique, le problème, c'est qu'on est perdu devant des séquences sans grand rapport les unes aux autres où Pasolini n'apparait même pas, en sachant que le film dure a peine 1h20, ça casse grandement le lien qu'on peut avoir avec lui car on le voit finalement très peu et les autres personnages qu'on nous montre restent désespérément transparents. De plus, il est dommage que Ferrara tournant sur la terre de ses ancêtres ne questionne jamais vraiment son attachement a elle (je rappelle qu'il a quitté New York pour vivre désormais a Rome) et se contente d'un traitement assez flemmard au vu de ce qu'il avait sous la main (rien que pour le parallèle flagrant entre la personnalité de Ferrara et celle de Pasolini, qui est résumé a une interview au milieu du film
), néanmoins, le film se rattrape sur la forme en cadrant une Rome nocturne et hypnotique sous les années de plomb.
Au final, j'en sors avec l'impression de ne pas avoir trop compris où voulait en venir Ferrara dans son approche du personnage, où les bonnes pistes amorcées sont noyées par des moments sans grand intérêt, comme si la figure même de Pasolini ne lui suffisait pas et avait les yeux plus gros que le ventre. Dommage.
4/10