Journée Noire pour un Bélier - Luigi Bazzoni (1971)
Luigi Bazzoni est décidément un réalisateur singulier dans l'industrie italienne, toujours aussi sous-estimé par la critique car profondément ancré dans le film de genre mais également peu prolifique (5 longs métrages en tout et pour tout), les deux films que j'ai pu voir de lui me confortent dans le fait que l'homme possède un style bien particulier, pas forcément visuel mais plus narratif où il nous fait jamais le film qu'il est censé nous vendre tout en gardant une vraie cohérence. En effet, je m'attendais avec Journée Noire pour un Bélier a un giallo dans la lignée de ceux d'autres artisans comme Sergio Martino, pourtant il y a un décalage subtil mais intéressant où l'attention n'est jamais focalisée sur les meurtres en eux-mêmes (a vrai dire, ils s'avèrent plutôt légers graphiquement parlant), mais à la fois sur l'ambiance globale du film où la moindre scène de dialogue possède au moins une idée de mise en scène (je retiens surtout la première demi-heure où le motif de l'escalier en colimaçon revient dans pratiquement chaque scène) et également sur le personnage de Franco Nero, grand acteur devant l'éternel et qui parvient dans ce film a tordre le cou a cette idée reçue selon laquelle les héros de giallos sont toujours fades et fonctionnels, en donnant de la substance a son personnage de journaleux déchu porté sur la boisson.
Mais pour autant, n'allez pas vous attendre a un anti-giallo, la grande force de Bazzoni réside dans la subtilité de sa démarche, préférant subvertir de l’intérieur les genres qu'il aborde, plutôt que de jouer une approche "in your face" qui m'aurait franchement paru prétentieuse, à la manière de la photo de Vittorio Storaro encore débutant qui confirmait après l'Oiseau au Plumage de Cristal qu'il était un directeur photo raffiné, bien au dessus de la moyenne de ses confrères, capable de trouvailles quasi-invisibles sur les sources de lumières et de cadrages étonnants pour l’œil non confirmé. Je conclurais en parlant de la BO d'Ennio Morriccone, qui est AMHA beaucoup moins inspiré dans le registre du giallo, mais qui offre rien de moins que sa meilleure partition du genre en reprenant de manière forte le motif de la ritournelle qu'il avait déjà exploité chez Leone et surtout ses expérimentations jazzy, achevant de rendre ce film certes pas une réussite absolue, mais néanmoins un giallo fort solide et interessant, ce qui venant d'un gars comme moi qui commence a faire un peu le tour du genre n'est pas la moitié d'une prouesse.
7/10