CHALLENGE BOM MAI 2K14
Holy Motors, Léos Carax (2012)
De ce film je ne connaissais pas grand chose, ni de Léos Carax, donc double découverte pour ma part. Je comprends les avis mitigés tant on trace ici un sillon absolument atypique, hors-normes, unique, et mérite très certainement son statut d'OFNI. Et ça fait bien plaisir que des cinéastes osent ce genre d'oeuvre dans un paysage cinématographique trop souvent balisé en ces temps de globalisation uniformisante. Et pourtant, même si on pénètre cash dans un univers troublant où on nous explique rien avec très peu de dialogues, c'est loin d'être un film abscons ou difficile d'accès, possédé qu'il est par une note d'intention claire dès les premières images, nous identifiant à ces spectateurs cadavériques, en mal de sensations nouvelles, las et blasés, et exigeant beaucoup de l'acteur professionnel, ici sujet principal du film, à les stimuler un peu. La grande force de ce dernier, c'est certainement son postulat de départ plutôt bien emballé dans l'ensemble, et porté par l'implication de ce son personnage principal à endosser une série de rôles, dans un déroulement hautement surréaliste où la frontière entre réel et imaginaire est constamment interrogée et surtout expérimentée.
Holy Motors est donc un film très métaphorique, qui ne cesse de renvoyer au cinéma d'aujourd'hui, ses attentes, et son esthétique, selon une perspective multiforme. Chaque rôle rencontré semble repousser plus loin, à chaque fois, la sensation d'être ailleurs, dans un monde aseptisé et désincarné, conséquence de l'implication totale de l'acteur qui a à se soumettre aux moindres désirs de ses employeurs qu'on nous laisse vaguement deviner, mais aussi des nouvelles techniques qui utilisent l'acteur comme un simple exécutant passe-partout. Ainsi, la première partie est absolument fascinante, nous rendant incapables de deviner ce qui va suivre après avec des ambiances très différentes, à la fois inquiétantes et insolites, même si le fil thématique conducteur du transformisme est clair et net. L'interprétation incroyable de Denis Lavant y est pour beaucoup, sorte de Peter Sellers moderne, et transmet un sentiment blasé et mélancolique qui colle à la peau de son personnage.
Par contre, passé l'entracte avec un désir visible de passer de l'autre côté du miroir en humanisant ce dernier, j'avoue avoir moins accroché, même si j'ai apprécié cette façon de nous faire douter qu'il a une existence au-dehors de cette limousine high tech qui lui sert de taxi vers ses destinations étranges et variées. Dès que les personnages commencent à parler, cette tendance à brouiller les pistes avec des mots où l'emphase est mise sur la métaphore et le double sens (toujours entre vie et cinéma), cela m'a plus perturbé que la partie précédente qui était plus silencieuse, alors parfaite dans cette façon de souligner son implication totale, sa solitude, sa perte de repères d'identité, d'espace, et de temps (la séquence avec le rétroviseur est lourde de sens pour exprimer ce sentiment de coupure qui le hante), ainsi que les différents hommages cinématographiques auxquels ses rôles font référence. Et aussi on pourrait reprocher au réalisateur d'un peu trop marteler son message en bout de pellicule (même si la forme d'exécution est assez comique), les images et les dialogues qui ont suivi se suffisant largement à eux-mêmes selon moi. Certainement qu'il avait peur de perdre trop de spectateurs en route, tant il va loin dans son projet artistique.
Malgré mes petits griefs, je ne peux que respecter cette façon de Léo Carax de dégager un chemin bien à lui, qui nous montre ainsi que le cinéma français peut nous offrir autre chose que le cinéma souvent ronflant d'auteur ou les comédies bien pensantes. Bien plus intéressant à suivre qu'un Goddard qui persiste lui aussi à montrer que le cinéma est mort (peut-être que l'intérêt ici est de montrer au contraire qu'on se raccroche malgré tout à une certaine idée du cinéma tout en composant, difficilement, avec les nouveaux formats, et en proposant au final une véritable oeuvre d'art polymorphe, et qui laisse ce sentiment intelligent qu'il n'y a pas de séparation définitive entre le passé et l'avenir, mais nous laisse plein de questions en suspens sur le rapport entre les deux). Bref, certainement l'une de mes plus belles découvertes de notre pays depuis au moins 99F, que j'aurais plaisir à revoir pour approfondir mon ressenti et mieux digérer cette seconde partie qui m'a légèrement laissé de côté.
Holy Motors est donc un film très métaphorique, qui ne cesse de renvoyer au cinéma d'aujourd'hui, ses attentes, et son esthétique, selon une perspective multiforme. Chaque rôle rencontré semble repousser plus loin, à chaque fois, la sensation d'être ailleurs, dans un monde aseptisé et désincarné, conséquence de l'implication totale de l'acteur qui a à se soumettre aux moindres désirs de ses employeurs qu'on nous laisse vaguement deviner, mais aussi des nouvelles techniques qui utilisent l'acteur comme un simple exécutant passe-partout. Ainsi, la première partie est absolument fascinante, nous rendant incapables de deviner ce qui va suivre après avec des ambiances très différentes, à la fois inquiétantes et insolites, même si le fil thématique conducteur du transformisme est clair et net. L'interprétation incroyable de Denis Lavant y est pour beaucoup, sorte de Peter Sellers moderne, et transmet un sentiment blasé et mélancolique qui colle à la peau de son personnage.
Par contre, passé l'entracte avec un désir visible de passer de l'autre côté du miroir en humanisant ce dernier, j'avoue avoir moins accroché, même si j'ai apprécié cette façon de nous faire douter qu'il a une existence au-dehors de cette limousine high tech qui lui sert de taxi vers ses destinations étranges et variées. Dès que les personnages commencent à parler, cette tendance à brouiller les pistes avec des mots où l'emphase est mise sur la métaphore et le double sens (toujours entre vie et cinéma), cela m'a plus perturbé que la partie précédente qui était plus silencieuse, alors parfaite dans cette façon de souligner son implication totale, sa solitude, sa perte de repères d'identité, d'espace, et de temps (la séquence avec le rétroviseur est lourde de sens pour exprimer ce sentiment de coupure qui le hante), ainsi que les différents hommages cinématographiques auxquels ses rôles font référence. Et aussi on pourrait reprocher au réalisateur d'un peu trop marteler son message en bout de pellicule (même si la forme d'exécution est assez comique), les images et les dialogues qui ont suivi se suffisant largement à eux-mêmes selon moi. Certainement qu'il avait peur de perdre trop de spectateurs en route, tant il va loin dans son projet artistique.
Malgré mes petits griefs, je ne peux que respecter cette façon de Léo Carax de dégager un chemin bien à lui, qui nous montre ainsi que le cinéma français peut nous offrir autre chose que le cinéma souvent ronflant d'auteur ou les comédies bien pensantes. Bien plus intéressant à suivre qu'un Goddard qui persiste lui aussi à montrer que le cinéma est mort (peut-être que l'intérêt ici est de montrer au contraire qu'on se raccroche malgré tout à une certaine idée du cinéma tout en composant, difficilement, avec les nouveaux formats, et en proposant au final une véritable oeuvre d'art polymorphe, et qui laisse ce sentiment intelligent qu'il n'y a pas de séparation définitive entre le passé et l'avenir, mais nous laisse plein de questions en suspens sur le rapport entre les deux). Bref, certainement l'une de mes plus belles découvertes de notre pays depuis au moins 99F, que j'aurais plaisir à revoir pour approfondir mon ressenti et mieux digérer cette seconde partie qui m'a légèrement laissé de côté.
Note : 8/10