Le sabre infernal, Chu Yuan (1976)
Un WXP de grande réputation que j'ai mis beaucoup de temps à découvrir, par crainte d'être un peu largué par l'intrigue (Chu Yuan est reconnu pour ses histoires à tiroirs et ses nombreux personnages), mais surtout d'atteindre le summum du genre trop rapidement. Or je pense avoir bien fait d'attendre, car oui, Le sabre infernal mérite tous les éloges à son égard, et en réalité il se suit sans trop de peine, bien au contraire car il se base sur une idée simple et relativement classique, à savoir deux maîtres en arts-martiaux, des rivaux, qui décident de s'allier contre un ennemi commun, lequel leur balance sur le chemin des adversaires de taille au nom coloré et aux armes folklo.
En fait, ce film reprend tous les ingrédients du réalisateur avec un degré de maîtrise incomparable. A ce titre, l'introduction est un modèle du genre en enchaînant trois atmosphères différentes, instillant ainsi à la fois une dose de mystère, de sensualité, et d'illusion, qui seront la marque du Sabre infernal. En bon héritier de l'esthétique de King Hu, Chu Yuan compose ses plans majestueusement tout en leur conférant une patte singulière en multipliant les emprunts visuels (fantastique, chanbara, western spagh'). Il nous appâte aussi par son histoire qui enchaîne sans faiblir rebondissements et faux-semblants, avec souvent un petit temps d'avance pour le héros qui sait se battre, mais aussi est très rusé, donnant lieu à des situations surprenantes procédant comme des poupées russes enchâssées. Un déroulement qui ressemble à un jeu d'échec géant où chaque coup répond à des adversaires/techniques/intrigues qui rivalisent d'astuce et d'ingéniosité, et où le maître d'orchestre de ce jeu grandeur-nature parsemé de pièges retors n'est pas toujours celui qu'on croît.
Du côté des chorégraphies c'est aussi la fête. Contrairement à King Hu qui sacrifiait le rythme des enchaînements à l'esthétique, on retrouve ici davantage le punch et l'inventivité de Chang Cheh avec des techniques qui envoient du bois, et une pointe de violence. Tous les personnages rencontrés sont charismatiques, avec une apparence et un style qui évoquent la mythologie chinoise sans jamais tomber dans le ridicule. En outre, on est littéralement transporté dans ces décors bourrés de charme sublimés par une photographie et une réalisation qui nous font oublier le côté factice des studios. Ce film possède aussi une tonalité et une tournure proches du crépusculaire. Le héros est en effet présenté comme un sabreur solitaire et ténébreux qui a oublié la raison pour laquelle il se bat, aveuglé par sa quête de puissance et de gloire. Un portrait finement contrasté par une présence féminine (versus Chang Cheh pour qui les arts-martiaux sont avant tout un univers d'hommes) qui lui rappelle des sentiments et une humanité qu'il avait oublié lui-même.
Et plus qu'un film d'arts-martiaux, Chu Yuan nous offre ici une métaphore pertinente du cinéma, où ses composantes narratives et formelles, à savoir l'artifice, l'illusion, et la magie, sont au service d'un scénario qui ne dévoilera tous ses secrets et richesse qu'à la dernière image. A part un petit soucis d'ellipse abrupte au milieu du long-métrage, je n'ai vraiment rien à reprocher à cette perle du genre qui peut se mesurer sans peine aux oeuvres contemporaines. Un chef d'oeuvre tout simplement que je conseille vivement à tout amateur.
En fait, ce film reprend tous les ingrédients du réalisateur avec un degré de maîtrise incomparable. A ce titre, l'introduction est un modèle du genre en enchaînant trois atmosphères différentes, instillant ainsi à la fois une dose de mystère, de sensualité, et d'illusion, qui seront la marque du Sabre infernal. En bon héritier de l'esthétique de King Hu, Chu Yuan compose ses plans majestueusement tout en leur conférant une patte singulière en multipliant les emprunts visuels (fantastique, chanbara, western spagh'). Il nous appâte aussi par son histoire qui enchaîne sans faiblir rebondissements et faux-semblants, avec souvent un petit temps d'avance pour le héros qui sait se battre, mais aussi est très rusé, donnant lieu à des situations surprenantes procédant comme des poupées russes enchâssées. Un déroulement qui ressemble à un jeu d'échec géant où chaque coup répond à des adversaires/techniques/intrigues qui rivalisent d'astuce et d'ingéniosité, et où le maître d'orchestre de ce jeu grandeur-nature parsemé de pièges retors n'est pas toujours celui qu'on croît.
Du côté des chorégraphies c'est aussi la fête. Contrairement à King Hu qui sacrifiait le rythme des enchaînements à l'esthétique, on retrouve ici davantage le punch et l'inventivité de Chang Cheh avec des techniques qui envoient du bois, et une pointe de violence. Tous les personnages rencontrés sont charismatiques, avec une apparence et un style qui évoquent la mythologie chinoise sans jamais tomber dans le ridicule. En outre, on est littéralement transporté dans ces décors bourrés de charme sublimés par une photographie et une réalisation qui nous font oublier le côté factice des studios. Ce film possède aussi une tonalité et une tournure proches du crépusculaire. Le héros est en effet présenté comme un sabreur solitaire et ténébreux qui a oublié la raison pour laquelle il se bat, aveuglé par sa quête de puissance et de gloire. Un portrait finement contrasté par une présence féminine (versus Chang Cheh pour qui les arts-martiaux sont avant tout un univers d'hommes) qui lui rappelle des sentiments et une humanité qu'il avait oublié lui-même.
Et plus qu'un film d'arts-martiaux, Chu Yuan nous offre ici une métaphore pertinente du cinéma, où ses composantes narratives et formelles, à savoir l'artifice, l'illusion, et la magie, sont au service d'un scénario qui ne dévoilera tous ses secrets et richesse qu'à la dernière image. A part un petit soucis d'ellipse abrupte au milieu du long-métrage, je n'ai vraiment rien à reprocher à cette perle du genre qui peut se mesurer sans peine aux oeuvres contemporaines. Un chef d'oeuvre tout simplement que je conseille vivement à tout amateur.