Cléopâtre, Joseph L. Mankiewicz (1963)
Résumé : 48 avant J.-C. Jules César tombe amoureux de Cléopâtre, lui fait un fils et la rétablit sur son trône d’Égypte. Quatre ans plus tard, après l’assassinat de Jules César, c’est au tour de Marc Antoine de tomber sous le charme de la belle. Grandeur et déclin d'un destin compté parmi les plus grandes tragédies.
Cléopâtre est d'abord un film de/sur la démesure. Démesure dans les décors, les mouvements de foule, les costumes, les grandes passions humaines et politiques, nous offrant ainsi l'un des plus beaux péplums de l'histoire du cinéma. Mais c'est aussi du pur Mankiewicz dans sa façon de se concentrer sur les relations conflictuelles entre hommes et femmes, et sa peinture d'un monde à la puissance déclinante. Une durée pharaonique (plus de 4h00) compensée par une intrigue progressant avec fluidité, selon l'ordre des faits. Ce qui rend aussi la mise en scène assez classique, mais l'environnement est si grandiose, et le récit, mené de façon si intelligente, qu'on oublie complètement ce détail.
On suit donc d'abord la relation entre Cléopâtre et César. Une partie qui m'a tout de suite conquis, surtout grâce à son duo qui n'a de cesse de s'affronter dans un jeu complexe et ambigu de séduction et de pouvoir (difficile de savoir qui prend le dessus sur l'autre). On présente César selon un angle humain et subtil (il faut le voir déambuler sur un champ de bataille, las de toutes ces guerres et de cette violence). Mais face à Cléopâtre, il apparaît comme une brute sans manières. Charmante et séductrice, Elisabeth Taylor déploie toute la séduction de son personnage avec talent à coup de robes magnifiques généreuses en décolletés plongeants. Ses nombreuses introductions sont mémorables, tout particulièrement son entrée à Rome qui montre avec une arrogance délectable de quel rang royal elle se chauffe. En coulisse, un Octave impuissant en acte, mais pragmatique, beau-parleur, et influent, attend simplement son moment, parfaite antithèse de ce couple animé par des raisons pas toujours logiques.
En apparence, on répète la même histoire et les mêmes enjeux dans la seconde partie du film, mais avec un nouveau personnage, Marc-Antoine. Or, ce n'est pas du tout le cas. En effet, ce dernier n'a rien à voir avec Jules César, sinon son attraction commune pour Cléopâtre, décidément une préfiguration de nos femmes fatales du film noir. Il vit sous l'ombre de cet ancien maître tout en voulant s'en détacher. Ce qui apporte une tonalité davantage tragique vraiment intéressante à suivre. Pas de surprise à avoir sur le déroulement et son dénouement final si on connaît l'histoire, mais ce changement de pivot est irrésistible. Moins malin mais plus jeune et passionné, refusant les avances de Cléopâtre pour ensuite les accepter avec d'autant plus de force et de vigueur, cette personnalité instable va nous amener vers des dilemmes inédits au nom de cet amour qu'il maîtrise de moins en moins, jusqu'à nous conduire à un combat épique perdu d'avance.
Malgré tous les efforts pour renouveler la dynamique du récit, les impressions de redondance et de longueur sont bien présentes. Mais de tous les péplums que j'ai pu voir de cette période, aucun ne m'a paru aussi riche, palpitant, intelligent, et beau à suivre. Les aspects tant politiques qu'intimistes sont réussis, et les batailles, bien que peu nombreuses et assez courtes, sont pour la plupart de haute volée (petite réserve pour le combat naval, où le sentiment d'encerclement du bateau de Marc-Antoine est un peu limité). On pense beaucoup au péplum de Anthony Mann, mais pour moi c'est un ou deux crans au-dessus. J'ai été plus touché par ce triangle amoureux poussé par ce désir irrésistible de se sentir vivants (sur tous les plans), au point de risquer leur leadership. Enfin, les acteurs livrent tous une belle prestation, s'exprimant avec un phrasé typiquement théâtral propre au genre, mais si léger et convaincu qu'il passe tout seul.
A mes yeux, Cléopâtre est l'un des meilleurs Mankiewicz, réalisant une parfaite synthèse entre les codes du cinéma hollywoodien alors en train de vivre les derniers instants de son âge d'or, et la patte et l'exigence d'un grand réalisateur, qui était surtout pour moi (je me répète mais il est toujours bon de le rappeler) l'un des plus grands scénaristes et dialoguistes de son temps.
Cléopâtre est d'abord un film de/sur la démesure. Démesure dans les décors, les mouvements de foule, les costumes, les grandes passions humaines et politiques, nous offrant ainsi l'un des plus beaux péplums de l'histoire du cinéma. Mais c'est aussi du pur Mankiewicz dans sa façon de se concentrer sur les relations conflictuelles entre hommes et femmes, et sa peinture d'un monde à la puissance déclinante. Une durée pharaonique (plus de 4h00) compensée par une intrigue progressant avec fluidité, selon l'ordre des faits. Ce qui rend aussi la mise en scène assez classique, mais l'environnement est si grandiose, et le récit, mené de façon si intelligente, qu'on oublie complètement ce détail.
On suit donc d'abord la relation entre Cléopâtre et César. Une partie qui m'a tout de suite conquis, surtout grâce à son duo qui n'a de cesse de s'affronter dans un jeu complexe et ambigu de séduction et de pouvoir (difficile de savoir qui prend le dessus sur l'autre). On présente César selon un angle humain et subtil (il faut le voir déambuler sur un champ de bataille, las de toutes ces guerres et de cette violence). Mais face à Cléopâtre, il apparaît comme une brute sans manières. Charmante et séductrice, Elisabeth Taylor déploie toute la séduction de son personnage avec talent à coup de robes magnifiques généreuses en décolletés plongeants. Ses nombreuses introductions sont mémorables, tout particulièrement son entrée à Rome qui montre avec une arrogance délectable de quel rang royal elle se chauffe. En coulisse, un Octave impuissant en acte, mais pragmatique, beau-parleur, et influent, attend simplement son moment, parfaite antithèse de ce couple animé par des raisons pas toujours logiques.
En apparence, on répète la même histoire et les mêmes enjeux dans la seconde partie du film, mais avec un nouveau personnage, Marc-Antoine. Or, ce n'est pas du tout le cas. En effet, ce dernier n'a rien à voir avec Jules César, sinon son attraction commune pour Cléopâtre, décidément une préfiguration de nos femmes fatales du film noir. Il vit sous l'ombre de cet ancien maître tout en voulant s'en détacher. Ce qui apporte une tonalité davantage tragique vraiment intéressante à suivre. Pas de surprise à avoir sur le déroulement et son dénouement final si on connaît l'histoire, mais ce changement de pivot est irrésistible. Moins malin mais plus jeune et passionné, refusant les avances de Cléopâtre pour ensuite les accepter avec d'autant plus de force et de vigueur, cette personnalité instable va nous amener vers des dilemmes inédits au nom de cet amour qu'il maîtrise de moins en moins, jusqu'à nous conduire à un combat épique perdu d'avance.
Malgré tous les efforts pour renouveler la dynamique du récit, les impressions de redondance et de longueur sont bien présentes. Mais de tous les péplums que j'ai pu voir de cette période, aucun ne m'a paru aussi riche, palpitant, intelligent, et beau à suivre. Les aspects tant politiques qu'intimistes sont réussis, et les batailles, bien que peu nombreuses et assez courtes, sont pour la plupart de haute volée (petite réserve pour le combat naval, où le sentiment d'encerclement du bateau de Marc-Antoine est un peu limité). On pense beaucoup au péplum de Anthony Mann, mais pour moi c'est un ou deux crans au-dessus. J'ai été plus touché par ce triangle amoureux poussé par ce désir irrésistible de se sentir vivants (sur tous les plans), au point de risquer leur leadership. Enfin, les acteurs livrent tous une belle prestation, s'exprimant avec un phrasé typiquement théâtral propre au genre, mais si léger et convaincu qu'il passe tout seul.
A mes yeux, Cléopâtre est l'un des meilleurs Mankiewicz, réalisant une parfaite synthèse entre les codes du cinéma hollywoodien alors en train de vivre les derniers instants de son âge d'or, et la patte et l'exigence d'un grand réalisateur, qui était surtout pour moi (je me répète mais il est toujours bon de le rappeler) l'un des plus grands scénaristes et dialoguistes de son temps.
Note : 8.5/10