Le boulevard de la mort, Quentin Tarantino (2009)
Un revisionnage qui fait du bien. Du bon Vigilante Movie qui se transforme en Revenge Movie. Ce que je reprochais au film, ce sont ses dialogues à rallonge qui précèdent la rencontre brutale du cascadeur Mike. Alors j'y trouve toujours des longueurs (surtout dans la deuxième partie par effet de redondance, car la structure de l'intrigue se veut volontairement symétrique pour bien sentir la transition entre les deux genres, et faire monter l'empathie), mais ils sont en fait globalement bien insérés dans la narration, invitant le téléspectateur à découvrir les personnalités de ces charmantes demoiselles, et s'y attacher un minimum. Ayant revu récemment quelques films de Tarantino, on y décèle aussi des gimmicks évidents comme le plan fétichiste sur les pieds, devenant carrément l'objet de fascination de Mike le cascadeur qui le conduit au meurtre.
Ces références mises à part, c'est vraiment fun, la musique style années 70 tabasse (d'ailleurs c'est marrant ce décalage, même la radio semble être bloquée à cette époque, alors que ça semble se passer dans les années 2000 dixit les téléphones portables), et je ne m'étais pas rendu compte à quel point Tarantino faisait ici un film clairement pro-féministe (la chanson finale de Françoise Hardy aurait dû me mettre la puce à l'oreille), déjà avec le retournement de situation, mais aussi dans la première partie, où on peut déceler derrière les discussions de cul des allusions à la vie sentimentale de ces femmes (le coup du sms) qui semblent moins vulgaires (pour certaines) qu'elles prétendent être. On a quand même droit à un joli Lap dance pour se rincer l'oeil, qui s'arrête brutalement, les salauds (c'est la touche Grindhouse, censée reproduire le mauvais état de conservation de la pellicule).
Outre des séquences remplies de dialogues, mais rarement chiantes grâce à un sens "tarantinesque" de la caméra (j'adore le plan séquence qui passe d'un personnage à un autre jusqu'à faire une boucle entière dans le bar), du montage (même dans les bagnoles c'est toujours dynamique), et de la diction (ce qui les rend si cools et agréables à écouter, et iconisent du même coup les personnages), on retient bien sûr le premier crash (filmé de plusieurs façons ce qui redouble l'accident d'intensité et de fureur, avec le bruit de tôle froissée mêlée à la chair réduite en bouillie), puis la course-poursuite finale nerveuse et hyper jouissive, qui fait passer d'une tension de tous les instants, à une phase guillerette et libératrice (il prend cher le pauvre mec).
Côté casting, on est bien gâté. Je ne connais pas tout le monde, mais ils sont tous bien dirigés et mis en scène, avec bien sûr une mention spéciale pour Kurt Russel qu'on ne voit presque plus, et qui signe ici une excellente interprétation dans la peau de ce vieux briscard pervers et vicieux qui fait une fixette sur les filles vulgaires qui se la jouent (le plan sur son sourire sardonique, ça le résume à la perfection). Même les petits rôles sont sympa comme Rose McGowan (qui détient l'un des rôles principaux dans le Grindhouse de R. Rodriguez) qui apprend à ses dépends qu'il faut avoir peur du méchant loup, ou Jonathan Loughran et Michael Parks qui incarnent respectivement le pervers sexuel (le même que dans Kill Bill 1) et le shérif (on le retrouve dans tous les pro-westerns de Tarantino). Parmi les tigresses vengeresses de la seconde partie, je retiens particulièrement Zoe Bell, doubleuse de Uma Thurman dans KB.
Bref, malgré quelques longueurs, si on considère ce film pour ce qu'il est (à savoir une pause récréative entre deux films plus ambitieux, même si c'est toujours un peu la récréation pour Tarantino), on a droit à une belle bobine fun et décomplexée, qui n'a nul autre objectif que de nous faire partager un genre adulé par Tarantino, le cinéma bis, qui malgré ses nombreuses références, demeure parfaitement intégré dans l'univers de ce dernier via ses nombreux "tics" visuels ou narratifs qu'on commence à bien connaître. Pas l'un de ses meilleurs films, loin s'en faut, mais il ne fait pas tâche dans sa filmographie.