Clint Eastwood en vieux briscard
bad-ass et archaïque qui en montre aux plus jeunes, il n'y a pas à dire, c'était l'un des meilleurs rôles de sa carrière, qu'on retrouvera jusqu'à
Gran Torino.
Film relativement mésestimé de l'une de ses deux grandes périodes bénites (je me répète mais il est de bon ton de le rappeler : 85-95 et 03-09), il serait dommage de passer à côté de ce film plutôt jouissif, où l'intérêt repose une nouvelle fois sur les épaules de Clint, grimmé ici en militaire vétéran pas très sociable qui aimerait presque une bonne guerre pour se retrouver dans son élément (le soucis c'est que du coup, les personnages secondaires sont moins intéressants et existent surtout par rapport à lui, mais son charisme indéniable fait la majeure partie du boulot). L'un des gros points forts, ce sont les
punchlines de malade mental qui parsèment la bobine et font penser à du
Inspecteur Harry. Le ton est assez léger et comique, car on embarque à fond dans le décalage des générations où les bleus essaient de se mesurer, sans succès, aux grosses balloches de ce vieux de la vieille. Cependant, le fond parvient à être aussi touchant, sans perdre en légèreté, lorsque ce militaire essaie de travailler ses relations sociales et de reconquérir sa chérie. Sans oublier un sous-texte pas très courant et amusant où ce dernier entraine sa troupe d'éclaireurs de manière à qu'ils ne soient pas de la simple chair à canon (et pourtant voilà c'te bande de bras cassés), mais aussi pour faire chier son supérieur tout droit sorti de l'école qui n'a jamais connu la guerre mais essaie de prouver quand même qu'on n'a plus besoin de ces dinosaures.
On retrouve ainsi toute l'essence du cinéma de Clint, mais sous l'angle d'une semi-comédie. Evidemment on est loin de ses chefs-d'oeuvre. Ses scènes intimistes n'ont pas autant d'impact que dans ses drames (et heureusement, ce serait hors-contexte, et d'ailleurs le passage des magazines où Clint se renseigne sur la psychologie féminine est vraiment amusant, et montre bien combien il essaie de s'investir en même temps que son côté maladroit dès lors qu'il sort de sa zone de confort), et la petite guerre en fin de métrage manque d'ampleur en termes de mise en scène et d'impact. Mais sur ce dernier point, le script se révèle assez intelligent pour souligner l'intention sous-jacente du film, à savoir montrer qu'une bataille peut rapidement tourner dans un sens comme dans un autre, et qu'il faut savoir improviser en n'importe quelle circonstance, et non bêtement suivre les ordres.
Ce n'est donc pas vraiment un film pro-guerre ni un film de guerre à proprement parler (même si un certain respect des vétérans est visible) lorsqu'on regarde bien, où comme dans
Full Metal Jacket, l'entraînement prend beaucoup plus de place que les scènes d'action, car c'est surtout le côté humain qui intéresse Clint. Ainsi, c'est l'occasion de retrouver avec plaisir un personnage que ce dernier a incarné presque toute sa vie, l'homme d'expérience qui en a vu des vertes et des pas mûres, un homme entier et solide comme le roc, mais aussi abîmé, et finalement sauvé, encore une fois, par la gente féminine. Et d'autre part, l'armée en prend un coup à presque tous les niveaux, mais sans faire dans la condamnation facile, où ce qui compte avant tout c'est la prise en compte du réalisme du terrain et non l'aspect fonctionnel, et ainsi les seuls à être vraiment tournés en dérision (de belle façon d'ailleurs, à l'image de cette scène où les éclaireurs changent les règles d'un jeu bidon de jeu de rôle afin de remporter la partie qui était pourtant jouée d'avance), sont ceux qui sont dans la prétention de savoir, sans connaître comment la guerre marche réellement (avec à la clé une transmission des valeurs bien couillue).
Pour revenir à Clint, c'est tout ce que j'apprécie chez lui avec ce film. Un cinéma simple (d'apparence) et divertissant, mais qui déroule des thématiques humaines intéressantes au second plan, tout en offrant surtout un personnage jouissif qui en a dans le caleçon, mais sait aussi se rendre attachant sans trop en faire. Un bon petit plaisir sans prise de tête, même si ça reste une oeuvre de seconde catégorie par rapport à ce que ce réalisateur a pu faire, avant et après.