Ce film me confirme que la Nouvelle Vague, c'est mieux chez les autres. Petite perle de réalisme et de crédibilité, il a pour seul défaut de sur-appuyer son propos par une introduction prétendant que cette histoire est tirée d'un fait réel. Car en effet, pas besoin de cela pour se sentir littéralement plongé dans l'univers de la prison. On se croirait chez Melville, avec une belle attention aux détails. Austère, mais jamais stérile ni ennuyeux, Becker trouve le juste équilibre entre une rigueur quasi documentaire et une mise en scène proprement cinématographique. Impossible de ne pas penser également aux
Démons de la liberté, autre fleuron du genre très codifié du film de prison et d'évasion, mais il s'en démarque radicalement en proposant un cadre, certes humain comme ce dernier, mais sans emprunter son léger manichéisme. Ainsi, s'il semble normal que les prisonniers comptent les uns sur les autres, il en est de même pour les gardiens et même le directeur, animés par la même bonne intention à leur égard, du moins à ce qu'il paraît en surface.
Et c'est là que ce film devient autre chose. Si
Le trou est porté par ses acteurs, qui ont tous une sacrée présence, prisonniers en tête, et un sens du cadre qui met l'accent sur l'effort et la rigueur de la préparation de l'évasion, c'est aussi un film sur la fraternité et la confiance mutuelle. Et bien sûr le cadre du huis-clos et du film de prison est un lieu parfait pour ce genre d'exercice. Ainsi, si tout le monde est bien aimable avec tout le monde, sans prononcer un mot au-dessus de l'autre, ce n'est pas pour faire joli. Evidemment, cette simplicité sert l'humanisme dont ce film est empreint. Des bons gars bien droits dans leurs bottes, s'exprimant avec un franc-parler sans fioriture. Une psychologie minimaliste, brute, et sans (trop) d'états d'âme. Mais en dire trop pourrait aussi signifier se mettre en danger, et mettre en danger le groupe entier.
Sans en rajouter davantage pour éviter de rompre le suspens, ce film français est impressionnant de maîtrise et d'application, tant dans le fond que dans la forme. Doté d'un superbe N & B et d'une narration extrêmement bien huilée, reflétant quelque part un plan habilement mené, on suit ce petit groupe de cinq avec passion. Et je trouve ça génial de partir du gars a priori "normal" (le nouveau venu) pour ensuite le faire évoluer, entouré de gaillards dotées de personnalités inoubliables et coulées dans le ciment, avec Joe, le costaud brave au grand coeur légèrement simplet, Monseigneur, qui sourit tout le temps sans laisser paraître ses pensées, Manu, sur qui on peut compter tant qu'on ne chie pas dans ses basques, et Roland, maître de la débrouillardise et du recyclage. Clairement l'un des meilleurs films français de sa génération (et du genre) à découvrir d'urgence.
Note : 9/10