Première fois que je suis globalement déçu par un film de Fritz Lang. On reconnaît tout de suite son talent à travailler les contrastes et le cadre, et il confère une certaine atmosphère impressionniste aux intérieurs de la maison domestique et de la rivière. Sauf qu'il ne réussit pas à rendre son histoire réellement captivante. Pourtant sur le papier c'est vendeur, cette idée d'un écrivain en panne d'inspiration, qui s'appuie sur son meurtre surgi par hasard pour écrire, et de ce comportement machiavélique et manipulateur visant à faire tout ce qu'il faut pour qu'il ne paraisse pas coupable aux yeux des autres, quitte à salir la mémoire de sa victime ou ses proches.
Ainsi, l'affiche de l'éditeur français
Wildside ne rend pas vraiment justice au réel contenu du film, qui est au fond davantage une peinture de moeurs qu'un
serial killer movie, où on s'attarde surtout sur les conséquences multiples du crime, et tout particulièrement les deux réactions possibles articulées autour des deux frères qui y ont pris part. Mais même en intégrant ce point (je n'ai rien contre les films qui déjouent mes attentes premières), c'est cousu de fil blanc, où on développe inlassablement cette idée de départ avec assez peu d'audace dans le déroulement ou le traitement. Par contre l'idée de figurer le traumatisme de ce meurtrier malchanceux, qui au fond n'est pas un mauvais bougre (du moins au départ), par des images qui font penser aux derniers moments de sa pauvre victime, à la manière d'un ensorcellement, était bien vue, mais ça aurait mérité d'être plus poussé ou développé dans ce sens.
Dommage ainsi que la forme ne compense pas davantage un script qui ne laisse pas beaucoup de grains à moudre. A ce titre, j'aurais aimé qu'on affine un peu plus cette filiation entre le fleuve (présenté dès le départ comme un mauvais augure ou un avant-signe de la fatalité) et cet homme pour apporter un peu plus de folie au récit, alors que l'intérêt repose plutôt sur les dialogues au ton théâtral et les relations inter-personnelles (avec beaucoup d'
allusions sexuelles) dont certaines manquent d'intérêt comme celles avec la bonne secrètement amoureuse de son maître. Certes, en grattant un peu, il y a un petit sous-texte sur l'inégalité des différences sociales, mais on s'en tape un peu tant c'est traité au second plan avec juste quelques chicanes sans aller bien plus loin.
Au niveau de l'interprétation, je n'ai pas non plus été complètement convaincu. Seule celle du tueur aux allures banales et communes sort du lot. J'aime bien son personnage contrasté, où faire le mal devient presque une question d'habitude en situation de survie, mais qui connaît en même temps une véritable évolution, passant du pauvre bougre à un véritable salopard où la fin justifie les moyens, tant pour écrire et vendre son bouquin que pour sauver ses miches. J'ai par contre trouvé l'interprétation du frère fade, incarnant pourtant un rôle important puisqu'il représente le sentiment vivant de culpabilité autour du crime, ainsi que tout ce qui reste d'humain et qui est progressivement perdu par l'autre. Mais bon il se contente de déprimer et de nourrir la mauvaise conscience, ce n'est pas bien folichon. Et le reste du casting n'est pas franchement mémorable, la faute aussi à une écriture qui manque un peu de mordant (c'est trop gentillet à l'image de son dénouement, et on ne sent que trop rarement la menace venant du tueur ou de ce qui peut lui arriver avec l'enquête en progression).
Au final, j'ai largement préféré
Désirs humains du même réalisateur qui développe aussi cette idée du crime associé à la séduction, mais avec davantage de panache et de chair, et des acteurs/personnages autrement plus intéressants à suivre (excepté le tueur, je le répète). Pas un mauvais film en soi, mais simplement anecdotique dans le genre, à cause d'un script et d'un casting qui s'inscrivent tout juste dans la moyenne, alors que la forme tabasse dans l'ensemble (une habitude chez ce réalisateur). A voir tout de même pour tout amateur de films noirs (même s'il s'agit plus selon moi d'un drame social).