L’Homme orchestre (Serge Korber, 1970) - 7/10
L’Homme orchestre est-il vraiment un film de Louis de Funès ? La question est légitime : il en est de Louis de Funès comme de Jim Carrey, de Tom Cruise ou de Robin Williams. Finalement le nom du réalisateur importe peu. C’est la personnalité de l’acteur qui donne sa saveur, son caractère au film (et ce, quoi qu’on pense des qualités ou défauts de l’acteur en question). Un peu comme une épice trop forte qui couvrirait tous les autres goûts du plat. Ce n’est pas un hasard si on oublie les noms de Jean Girault ou Édouard Molinaro : Joe, Le Gendarme de Saint-Tropez et Hibernatus, ce sont des films de De Funès.
Là, c’est la partie Fast and Furious du film.
Or, avec L’Homme orchestre justement, nous sommes face à une exception. Finalement on y trouve peu de caractéristiques du style De Funès. Peu d’explosions de colères hystériques, peu de mimiques (à part dans la scène du loup et l’agneau), un peu comme si tout cela avait été réduit au minimum syndical (ou au minimum fan service).
Seventies style, bitch.
Alors s’il y a peu de « De Funès » (appellation française d’origine contrôlée), qu’est-ce qu’il y a ? En fait, c’est étonnant comme certains passages du film m’ont fait penser au premier Pedro Almodovar. Surtout les couleurs en fait : vives, pop, flashy. Un film de De Funès, d’habitude c’est en brun, vert, bleu, pastel, sépia. (Je ne sais pas si vous me suivez.) Les couleurs des gendarmeries de Saint-Tropez, de l’opéra Garnier, des papiers peints d’appartements bourgeois ou petits-bourgeois, bref, les couleurs d’une France traditionnelle, bien plantée sur ses racines et qui ne dépasse pas de son cadre de carte postale.
Ici - c’est très rare chez De Funès - ça flashouille, ça arc-en-ciellise. Et ça danse. Non pas parce que c’est prévu par le scénario comme dans Rabbi Jacob. Mais comme on danse dans les immeubles de New York ou les rues de Cherbourg. Comme on danserait au lieu de marcher. Et on chante, comme si on chantait au lieu de parler. (J’adore le neveu du personnage principal qui scande des rythmiques en guise de répliques : « - Qu’est-ce que t’en penses, toi ? - Shtonc shtonc shtoncontonc paaaaa ! - Il a raison ! »)
Ça flashouille même sur l’affiche.
L’Homme orchestre est ainsi dans ses meilleurs moments un film léger, très léger, joyeux, bondissant. C’est comme ça qu’on peut le savourer : en suivant cette légèreté, ces pas de danse qui parcourent tout le film.