⌲ THE GRAND BUDAPEST HOTEL (2014)de Wes Anderson avec Ralph Fiennes, Tony Revolori, F. Murray Abraham, Jude Law, etc.
Histoire: Le film retrace les aventures de Gustave H, l’homme aux clés d’or d’un célèbre hôtel européen de l’entre-deux-guerres et du garçon d’étage Zéro Moustafa, son allié le plus fidèle. La recherche d’un tableau volé, oeuvre inestimable datant de la Renaissance et un conflit autour d’un important héritage familial forment la trame de cette histoire au coeur de la vieille Europe en pleine mutation.
Wes Anderson est sans conteste un des réalisateurs les plus stylés en exercice. Son huitième film ne déroge à aucune de ses règles et ne trompe jamais sur la marchandise. Car quand on va voir un film de Wes Anderson, on s’attend à tout un package sans lequel un film de Wes Anderson ne serait pas un film de Wes Anderson; à savoir: les travellings latéraux, les gros plans inopinés, les plans d’ensemble en carton pâte et/ou empruntés à la magie illusoire de George Méliès, les élans de musique classique, la palette de couleurs du pastel des murs au marron foncé de la terre, le casting choral (avec au moins Owen Wilson, Bill Murray, Jason Schwartzman, Adrien Brody ou maintenant Ed Norton), de la profondeur de champ par ci, de la symétrie burlesque par là, de l’humour finement placé, et pour finir une chantilly d’insultes et une cerise de gunfight soft. Budapest Hotel réunit tous ses ingrédients mais pas que puisqu’en y ajoutant la mélancolie romantico-tragique des romans de Stefan Zweig et ce qui avait fait la beauté de Moonrise Kingdom (c’est à dire une belle histoire, ici d’amitié, là-bas d’amour), le film est plus qu’une simple récitation de texte ou qu’un exercice de style, c’est la quintessence du cinéma Wes Andersonnien.
Le film commence étrangement, de manière très théâtrale, très écrite, mais dès lors qu’on pénètre dans le récit (une histoire imbriquée dans des souvenirs racontés), Anderson brise les barrières, lance le train pour ne jamais l’arrêter. Toute sa magie se mêle à sa science du cadre et là aussi son talent rayonne car toute sa maitrise éclate, il orchestre le moindre plan à sa façon et tout glisse et s’imbrique et avance dans le même sens, au sein du même mouvement d’une symétrie et d’une réciprocité parfaites. L’humour claque, les acteurs brillent, notamment Ralph Fiennes qu’on a jamais vu aussi habité par l’aura d’un réalisateur autant qu’ici. Il débite, et débite, et marche et court, et nous emmène dans sa marche, et dans sa course, et toutes les petites pièces parfaites s’emmêlent et roulent comme une boule de neige euphorisante et jouissive. Alors c’est peut-être l’œuvre la plus totale de son auteur, sans doute moins touchante et moins personnelle que Moonrise, moins cartoonesque que Mr Fox, moins road movie que Darjeeling, moins étrange/unique que La Vie Aquatique, mais plus fluide, plus universelle, plus véloce, plus percutante, plus drôle aussi, et aussi touchante que toutes les autres. Au final c’est la carte de visite parfaite de Wes Anderson, qui montre ce qu’il fait de mieux en cachant ce qu’il peut faire de moins bien -c’est à dire pas grand chose.
9/10