LA CITÉ DE LA VIOLENCE
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Sergio Sollima (1970) | 7/10
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Mis en image par Sergio Sollima et son sens du cadre affûté, bercé par les jolies compositions d'Ennio Morricone, la cité de la violence ne manque pas d'arguments pour nous acquérir à sa cause. Celle d'un revenge movie atypique où les exécutions sont sommaires et efficaces, mais plutôt rares. Point de narration en deux actes souvent caractéristiques du genre (soit j'te la fais à l'envers, et tu te venges), ici l'entourloupe est répétitive. En effet, Jeff a le sang bouillant, c'est même un tueur redoutable, et pourtant, ça ne l'empêche pas de se laisser manipuler par la jolie blonde dont les formes lui font de l'oeil. Formes généreusement mises en valeur, avec inspiration et raffinement, par la mise en scène créative d'un réalisateur qui s'amuse.
Nombreuses sont les séquences qui témoignent du panache dont fait preuve Sollima dans sa réalisation. Depuis l'introduction de son film, dépouillée de tout dialogue, pour laisser s'exprimer les essieux des petits bolides lancés à toute allure dans des ruelles pas très larges, autour desquels vient danser une caméra joueuse, à son final magistral, la cité de la violence possède une fougue visuelle de tous les instants, qui ne prend cependant pas le dessus sur les personnages qu'elle met en valeur. Sollima joue avec ces derniers, son objectif est de les faire grandir pour apporter, en les confrontant, un peu de densité à son propos. Il peut alors dérouler la lutte opportuniste pour le pouvoir que se livrent dans son film ses plus horribles personnages, mais aussi les plus discrets, ceux auxquels on associerait innocence sans y réfléchir à deux fois.
Avec une telle matière, la cité de la peur avait tout pour s'exprimer pleinement, mais il est abîmé par le jeu parfois limite des acteurs qui l'animent. Bronson est Bronson, impeccable, son physique monstrueux, ses paluches effrayantes et ses mimiques qui en disent long suffisent à nous faire comprendre le personnage en 5 minutes d'écran. Mais autour de lui, c'est parfois balbutiant. Il y a bien Telly Savalas qui tire son épingle du jeu, il volerait presque la vedette à Bronson par moment, mais c'est à peu près tout. Michel Constantin semble déphasé et Umberto Orsini fait ce qu'il peut. Quand à la ravissante Ireland, son charme ne suffit pas, hélas, à effacer l'exagération qui se lit sur son visage lorsqu'elle est censée véhiculer une émotion (en fait, il faut qu'elle tombe à la renverse pour être crédible, j'en dis plus dans quelques lignes ). A ce côté parfois approximatif qui touche les acteurs, il faut aussi ajouter un script qui peine à trouver du souffle dans sa seconde partie, il fait même un peu de sur place, en étant un peu trop didactique.
Il y a fort à parier que la cité de la violence sera reçu différemment selon ce que son spectateur y espère. Les amoureux du visuels, ceux qui recherchent des idées dans la mise en scène, seront bien servis et pourront se contenter du script un peu pantouflard. Les autres trouveront le temps un peu long et douteront de l'intérêt de l'entreprise. Mais une chose est certaine cependant, c'est que son final désespéré est terrassant. Lorsque Ireland s'effondre, sa robe emplissant, au ralenti, le champ d'une caméra placée à ses pieds et que l'on découvre, juste après, sa destination, son visage statique au premier plan, les bouches se lieront. Il n'y a pas grand chose à dire, ce genre de séquence se savoure et reste en tête un bon moment, croyez-moi. Rien que pour ce moment en particulier, le film de Sollima vaut plus que le détour.