[oso] Mes critiques en 2014

Modérateur: Dunandan

Enemy - 5,5/10

Messagepar osorojo » Ven 12 Déc 2014, 19:37

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ENEMY

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Denis Villeneuve (2014) | 5.5/10
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Il est toujours délicat de faire la lumière sur ses impressions après un film de la trempe d’Enemy, et vous pouvez le croire, c’est un esprit bien embrumé qui écrit ces quelques lignes. La raison de cette hésitation est typique du film à fort concept, très dense en thématique, mais si maniéré dans sa mise en œuvre qu’il en devient un vrai cas de conscience. Car dans le cas du film de Villeneuve, réussir à ennuyer autant en à peine 90 minutes de bobine, ça tient de l’exploit, mais pas le bon.

Dès lors, entre raison et plaisir, que choisir ? Faut-il passer à Enemy son rythme bancal, son enchaînement vicieux de scénettes montées selon une chronologie joueuse, uniquement parce que son sous-texte est objectivement très dense et forcément passionnant si l’on fait l’effort de pousser l’analyse après la séance ?

Parce qu’à mon sens, il est bien là le nœud du problème, dans ces théories fumeuses qui naissent de la séance, de toutes les extrapolations que l’on peut imaginer à partir d’une matière fertile qui ne s’exprime pourtant que très peu à l’écran. Car à bien y réfléchir, il ne se passe pas grand-chose dans Ennemy, à part une déconstruction inéluctable du couple, causée par un esprit compartimenté qui ne parvient plus à cerner sa propre réalité. Villeneuve la joue un peu facile, et choisit de morceler son histoire à tel point qu’il est bien difficile de reconstituer le puzzle qui en résulte. Une seule séquence, le repas avec la mère, consent à délivrer l’une des rares clés permettant un point d’appui à la réflexion. Pour le reste, il faut laisser vagabonder son esprit, la vérité est ailleurs, singe avec violence une fin inattendue faisant appel à l’imagination pour choisir solution probable à la toile d’araignée qui s’est tissée dans le silence.

Villeneuve est pleinement conscient qu’élaguer au maximum son film lui assurera une place de choix au sein des discussions passionnées tenues à la pause café, mais n’est-il pas cavalier de semer aussi belle matière à polémique sans prendre le temps d’en livrer sa propre interprétation ? Pire, est-il légitime d’ennuyer autant son spectateur par crainte de trop en dire, en ne fournissant que le minimum syndical, et encore, pour tenir la distance d’un long métrage vendable en salle.

Je n’en suis pas si sur, et c’est ce qui fait que je reste de façon cruelle sur la réserve. J’aurais certainement tenu un autre discours si Villeneuve avait eu le courage de son idée, en bouclant sa bobine en au moins 20 minutes de moins, mettant certes en danger le potentiel commercial de son film, mais en restant au moins fidèle à sa première intention.
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Re: [oso] Mes critiques en 2014

Messagepar Val » Ven 12 Déc 2014, 20:23

Voilà qui résume bien ce que j'en ai pensé. Un scénario qui aurait donné un bon épisode de La Quatrième Dimension, mais beaucoup trop léger pour un long métrage. Après, j'ai été plus généreux sur la note (7) car ça reste une séance sympa mais dont on ne tire pas grand chose.
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Re: [oso] Mes critiques en 2014

Messagepar Dionycos » Ven 12 Déc 2014, 22:03

Perso, le film ne m'a pas du tout ennuyé. Bien au contraire, il m'a fasciné de bout en bout, et son intérêt ne se limite pas pour moi aux discussions suscitées à la fin de la séance. C'était du pur plaisir pendant 90min.
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Dersou Ouzala - 9/10

Messagepar osorojo » Dim 14 Déc 2014, 12:17

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DERSOU OUZALA

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Akira Kurosawa (1975) | 9/10
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CHALLENGE DÉCOUVERTE NOVEMBRE / DÉCEMBRE 2014 •


Exploiter l’adversité que réserve dame nature aux intrépides aventuriers pensant amadouer le sol de contrées qui leur sont inhospitalières, pour construire l’attachement réciproque qui se construit entre deux esprits destinés à entrer en phase, c’est toute la réussite de Dersou Ouzala. En contant cette belle amitié née du crépitement d’un feu de bois qui se cristallise à mesure que les deux personnages bravent ensemble les obstacles que la taïga leur réserve, Akira Kurosawa évite toute situation forcée. Il pare ainsi son film d’un réalisme incontestable, la voie dorée pour toucher de plein fouet le petit cœur d’un spectateur qui trouve sa fréquence de résonnance lorsqu’un simple lit de roseaux se joue de façon astucieuse d’une tempête de neige porteuse de mort.

Armé de son imparable sens de la mise en scène, de son œil affuté, Kurosawa n’hésite pas à braver neige et vent violent pour mériter les éprouvantes séquences que comportent son ode à l’amitié véritable. Sa quête constante de l’image vérité s’associe à un travail sur le son absolument stupéfiant : l’oreille est à l’affut d’une branche qui craque, d’un animal qui rôde dans la pénombre ; l’effet est saisissant, rarement on se sera senti aussi immergé dans une nature inquiétante. Dès lors, quand les bourrasques se font menaçantes, que le froid saisit les protagonistes, les nuques frissonnent et les yeux peinent à stagner sur l’image, attirés par ses bruits environnants dont la surprenante spatialisation donne la pleine mesure d’un contexte insaisissable.

Composé en deux parties très homogènes —chacun préfèrera la sienne, pour ma part j’ai plus d’affection pour la première —, Dersou Ouzala prend le temps de s’intéresser aux hommes qui motivent son histoire. A ces deux êtres n’ayant rien en commun sinon leur ouverture d’esprit, qui finissent par s’aimer comme des frères, au point de ne plus vouloir se quitter, au point surtout de se comprendre si bien que la parole devient optionnelle quand il s’agit de supporter l’autre au moment où il vacille. Quand Dersou doute, qu’Arseniev sombre sous le poids du froid, seuls les actes, qu’ils soient moteurs, salvateurs ou simplement empathiques, comptent.

Et si Kurosawa semble prôner fortement une vie sans artifice proche de la nature, il vient la remettre en question également dans un dernier acte assez trompeur. S’il ne manque pas de remettre en question une société moderne qui va jusqu’à faire payer à ses citoyens le bois et l’eau qu’ils consomment, il nuance toutefois cette diabolisation en illustrant le prix que fait payer la nature à ceux qui l’ont choisie comme foyer. Une fois abandonnés par leur bonne santé, pèse sur ces derniers, le lourd tribu qui frappe quiconque pense pouvoir courber la nature à ses aptitudes.

Les cinq dernières minutes de ce film profondément humaniste sont d’une mélancolie redoutable, je crois bien n’avoir jamais observé un simple bout de bois, planté avec humilité par un homme droit dans ses botes, sur un petit monticule de terre habité par l’âme d’une personnalité attachante, avec autant d’empathie. Un geste final très humble, synthèse de la belle simplicité ayant motivé le film dans son ensemble, porteur d’une émotion si sincère qu’elle justifie à elle seule chaque seconde de ce magnifique Dersou Ouzala.
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Re: [oso] Mes critiques en 2014

Messagepar Val » Dim 14 Déc 2014, 12:24

Content que tu l'ais aimé, c'est clairement un des plus beaux films du monde. :super:
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Re: [oso] Mes critiques en 2014

Messagepar osorojo » Dim 14 Déc 2014, 12:29

J'ai beaucoup aimé effectivement :) Merci pour la propale, ça faisait longtemps que je voulais le voir, ça m'a permis de provoquer la découverte :super:

Par contre je regrette la copie que j'avais à dispo, pas terrible niveau image, ça rendait pas hommage au taff fait par Kuro :/
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Re: [oso] Mes critiques en 2014

Messagepar Dunandan » Dim 14 Déc 2014, 12:33

Ah ça, c'est un problème récurrent pour ce film. Il n'existe pas de "bonne" copie à l'heure actuelle... :? (s'il en existe une "bonne")

Belle critique encore une fois Oso' :super:. C'est le genre de film qui rend la plume légère à celui/celle qui "critique" ^^.
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Re: [oso] Mes critiques en 2014

Messagepar Val » Dim 14 Déc 2014, 12:37

Il y a quelques temps, Potemkine avait dit que les mecs de Russico bossaient sur un master HD du film. Reste à savoir quand il sera dispo, à moins qu'un éditeur comme Criterion finance sa propre restauration en partant d'un autre matériel.
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Re: [oso] Mes critiques en 2014

Messagepar pabelbaba » Dim 14 Déc 2014, 14:02

Joli texte. :super: Vraiment envie de le revoir...
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Sinon, oui, j'aime les nibards. :chut:
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Boyhood - 7,5/10

Messagepar osorojo » Lun 15 Déc 2014, 18:45

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BOYHOOD

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Richard Linklater (2014) | 7.5/10
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Quel bel aboutissement d’un projet pourtant très fou livre Linklater avec Boyhood, une balade constituée de fragments de vie capturés sans artifice, sinon celui de l’écriture, pour condenser dans un récit initiatique somme toute classique 12 années de prise de vue, avec un déterminisme et une patience qui forcent le respect.

Le résultat à l’écran pourrait faire l’effet d’un plat sans consistance, puisqu’il n’est aucunement question pour Richard Linklater de verser dans le spectaculaire, son ambitieux portrait se veut proche du réel afin d’initier une réflexion posée sur le changement qui s’opère dans le regard d’un petit garçon quand il découvre de quel bois est fait son monde. Mais derrière chaque séquence, c’est un cœur généreux qui bat la pulsation et gagne en puissance au fur et à mesure que son interprète principal, le très touchant Ellar Coltrane, prend du poil au menton.

Au détour d’un dialogue innocent sur l’inexistence des elfes, Linklater fait preuve de sa belle sensibilité à croquer l’humain, à insuffler à l’écran la tendresse d’une réalité pourtant faite de désillusion. C’est en douceur qu’il dépeint, à ce moment précis, la transition entre l’enfant rêveur et l’adolescent qui commence à prendre les rennes de sa propre conscience, sans trop forcer sur sa plume, alors que le fond de la séquence est radicalement déprimant. «Et non, petit Mason, la magie n’existe pas dans ce monde bien terre à terre !».

A l’image de ce joli moment, Boyhood s’empare du sablier universel pour insérer ses personnages dans la boucle temporelle qui permet à la roue de tourner sans trop en faire. Et à l’exception du personnage de la mère dont le faible à s’acoquiner un peu trop avec les dark passengers environnants frise l’insolence, la plupart des trames narratives déployées par Linklater sonnent juste. Le fait qu’il ne se sente pas obligé d’accentuer à outrance chaque passage rituel d’une vie adolescente riche en découvertes est on ne peut plus agréable.

En témoigne ce dernier acte très fluide, qui se veut pourtant l’écho d’une marginalité assumée par l’esprit contestataire du jeune garçon devenu pré-adulte, bien décidé à rester fidèle à sa vision utopique de la vie, sans toutefois tomber dans la remise en question systématique d’une société gouvernée par des règles intimidantes. Le choix de Linklater de faire de ce personnage un esprit différent des autres, sans pour autant lui enlever cette curiosité innocente qui lui permet de garder confiance envers les personnes qui lui sont chères, comme son père qu’il continue d’inonder de question, permet à Boyhood de rester sur les rails de la tranche de vie légère. Ainsi, chaque moment qui la compose fait grandir le personnage qu’il concerne pour générer à l’écran une belle dose d’émotion qui se densifie dans les 2 dernières minutes du film, au moment où s’initie ce regard complice, renvoyant à l’innocence d’un premier échange désintéressé, que se partagent deux âmes volontaires vraisemblablement perchées sur la même longueur d’onde.
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Re: [oso] Mes critiques en 2014

Messagepar Criminale » Lun 15 Déc 2014, 22:18

Bon ben tu vois ya de beaux films à voir dans ton rattrapage. :super:
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Re: [oso] Mes critiques en 2014

Messagepar osorojo » Lun 15 Déc 2014, 22:33

Ben ouais carrément, pour le moment mon rattrapage 2014 est plutôt coolos ! :mrgreen:
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Re: [oso] Mes critiques en 2014

Messagepar Mark Chopper » Lun 15 Déc 2014, 22:38

Faut éviter les blockbusters US, les polars de bouseux texans survendus et les téléfilms franchouillards sur des chômeurs : c'est le secret.
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Re: [oso] Mes critiques en 2014

Messagepar Scalp » Mar 16 Déc 2014, 14:39

Boyhood c'est quand même bien moyen, à part le concept ça raconte pas grand chose
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Maestro - 7/10

Messagepar osorojo » Mar 16 Déc 2014, 19:30

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MAESTRO

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Lea Fazer (2014) | 7/10
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Ardent est le désir de porter Maestro à bout de bras pour défendre le cinéma d’auteur et plus généralement une culture pas toujours accessible dont la richesse se doit d’être préservée. Un letimotiv’ à saluer d’autant plus qu'il est traité ici sans complexe, à la manière d'un feel good movie à la française, initiateur d'une bonne humeur permanente, qui permet à Lea Fazer de démystifier un univers reprochant à l’inculte de ne pas s’intéresser à lui alors qu’il ne fait lui-même pas toujours l’effort de se mettre à sa portée.

C’est certainement son ouverture d’esprit qui fait toute la réussite de Maestro, ainsi que cette absence totale de prise de position moralisatrice qui transparaît de ce portrait amusant dont la lame critique est à double tranchant. Les jeunes oies se battent dans le poulailler pour savoir quel point de vue est le plus à défendre alors que leur berger, celui qu’on pense le plus enfermé dans son univers, se révèle être le plus ouvert au monde. Ce metteur en scène rêveur, attaché au verbe et à cette poésie dont il se nourrit en permanence, qui trouve en Michael Lonsdale un interprète de choix très touchant, est le trait d’union entre deux univers qui se jugent sans se connaître.

Si le film de Lea Fazer n’échappe pas à quelques clichés un peu faciles, dont le choc des cultures très forcé est le plus cavalier, ils sont d’autant plus faciles à accepter qu’ils contribuent à l’installation d’une dimension comique plus que bienvenue. Une orientation qui permet en effet à un sujet casse-figure de se faire place dans les esprits en usant de la meilleure arme qui permet de tuer un débat : le rire. En lieu et place d’une démonstration trop sérieuse, Lea Fazer choisit en effet de compter sur des comédiens à la bonne humeur communicative, Pio Marmaï et Nicolas Bridet, les deux potes légèrement maladroits en tête de liste, pour véhiculer son message engagé, mais pas trop.

Une jolie surprise qui rappelle avec douceur qu’il est possible de parler culture et poésie sans être pompeux, ni sectaire, en tordant le coup, par l’humour, à un certain nombre d’idées reçues souvent prêtées à l’Art avecungranta.
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