Plus qu’un giallo atypique, Chi la vista morire est un vrai film d’enquête terriblement stimulant qui, non seulement, profite d’un très chouette casting, mais est surtout mené par un réalisateur on ne peut plus inspiré, et ce, à tous les niveaux. Dans sa mise en scène d’abord, qui retranscrit, avec une très belle sensibilité visuelle, l’architecture si particulière de Venise et les ambiances qu’y génèrent les canaux la traversant. A l’image de tout un acte joué dans une brume oppressante, Aldo Lado soigne ses lumières et ses cadres pour apporter à son enquête une ambiance bien particulière.
Si l’auteur prend le temps de composer ses images, il ne délaisse pas son histoire pour autant, bien au contraire. Intelligente et rondement menée, il n’est pas aisé de la cerner avant que les clés du mystère soient dévoilées. Forcément, la multiplicité des coupables potentiels brouille en grande partie les pistes, mais les révélations s’enchaînent de manière homogène sans sembler trop cavalières. Il y a une vraie cohérence derrière Chi l’ha vista morire, qui lui permet de conserver la singularité surprenante qui habite toute sa première demi-heure.
En effet, quand Aldo Lado fait les présentations, qu’il nous invite dans son film pour un tour de barque à Venise, il sort l’artillerie lourde, pour bien nous faire comprendre que le patron, c’est bien lui. Au bout de 5 minutes de bobine, il nous glace le palpitant en filmant le meurtre d’une petite fille et son camouflage, plein cadre, sans détourner son objectif. On a beau jouer les marioles, les habitués de tripaille à qui on ne la fait pas, mais le coup est rude, d’autant plus qu’on ne comprend pas tout de suite où souhaite aller le cinéaste. Lequel se contente simplement, à ce moment là, de distiller sa première piste, un thème musical horrifiant qui profite du talent de Morricone, composé d’un chœur aux voix de cristal, qui prend une dimension toute autre quand il accompagne les virées meurtrières du dérangé du casque filmé en vue subjective ; le décalage entre l’innocence qui se dégage des voix d’enfants composant le thème et les horreurs qu’il sonorise, étant assez saisissant.
Pour ne rien gâcher, une fois le contexte posé et tous les pions dans la partie, Aldo Lado abandonne bien vite le côté choc de ses premières images pour se concentrer sur l’enquête menée par un père aux abois, motivé par un fort sentiment de culpabilité, à trouver les salopards qui lui ont enlevé sa petite fille. Le cinéaste prend même le temps de filmer une magnifique scène pour illustrer quelques minutes le deuil qui touche le personnage et sa femme, avant de faire rentrer le premier dans le vif du sujet.
Car dès qu’il passe la seconde, c’est pour ne plus rétrograder. Le moteur trouve son plein régime et c’est avec un intérêt non simulé qu’on s’investit dans une enquête généreuse en suspects et révélations en tout genre. Une chasse à l'homme mise en scène avec beaucoup de talent, et d’idées par un Aldo Lado généreux, au moyen d’une photographie précise, mais non dénuée de poésie, qui permet véritablement de faire de Chi l’ha vista morire un giallo à part.
Et lorsque vient le temps de la révélation, c’est lors d’un final surprenant parce qu’il n’est pas spécialement prévisible, mais aussi parce qu’il est conclut par une violence sèche et brutale pareille à celle qui a inondé le film — pourquoi ce triple ralenti par contre, c’est bien dommage, l’une des seules fautes de goût du métrage —.
Une superbe bobine en tout cas —j’suis dans une belle série avec le très bon Ton vice est une chambre close dont moi seul est la clé vu juste avant— qui se place, sans forcer, dans mon top personnel en matière de Giallo.