LAURENCE ANYWAYS
Id. - Xavier Dolan - 2012
Id. - Xavier Dolan - 2012
Je ressors de Laurence Anyways avec de nombreux sentiments contradictoires. Il faut dire que j'avais pas mal d’à priori sur l'oeuvre de Xavier Dolan et que beaucoup d'entre-eux se sont vu confirmer lors de la séance. Dolan s'attarde sur la vie d'un couple durant une dizaine d'année, alors que Laurence, l'homme du couple, annonce à sa compagne sa volonté de ne plus taire sa vraie nature et de devenir une femme. Incompréhension, interrogation, acceptation, rupture, réconciliation,... sont donc au programme de la vie mouvementée de ce couple. Comme on pouvait malheureusement le craindre, le film commet l'erreur de tomber dans le manifeste politique à plus d'une reprise, ce qui donne la désagréable impression de se retrouver face à un film qui pense être le seul à penser comme tout le monde. Il faut donc composer avec des petites phrases toutes faites balancées comme autant de pensées brutes sur la société et l'incompréhension face à la différence. C'est un aspect assez horripilant du film, à l'image d'un laïus sur Céline prononcé par Laurence, professeur de lettres de son état, que l'on croirait écrit par un ado de 12 ans qui reporterait ce qu'il aurait entendu/lu dans quelques journaux douteux (Céline il était pas gentil car il aimait pas la différence, alors que ça aurait pu être nous les différents – au secours).
C'est une expérience déroutante à laquelle le film m'a fait participer puisque que l'on pourrait croire à un manifeste de tout ce que je n'aime pas dans le cinéma contemporain : le chantage au réel, la prétention, l’esbroufe technique, le côté poseur, hype et arty.... Beaucoup vantent les talents de mise en scène du jeune québecois, mais il faut tout de même admettre que si ses cadres sont léchés, on a surtout l'impression d'être devant un clip ou une pub pour du parfum. Si l'idée d'un cadre 1,33 me séduit, je n'ai pas trouvé son utilisation particulièrement mémorable. Aussi, l'utilisation de la musique est beaucoup trop envahissante de sorte que l'on a l'impression que l'on a collé une playlist Deezer spéciale années 80 sur les images du film, ce qui nous rappel le pire de ce que peut offrir Tarantino depuis quelques films. Il faudra aussi subir l'accent québecois qui pourra en distraire plus d'un, mais on finit par s'y faire plus rapidement que je ne l'aurais penser.
Ainsi, on pourrait penser que j'ai détesté le film. Eh bien, à ma grande surprise, malgré la longueur du film, je me surprends à y penser encore, à garder en tête certaines scènes qui parviennent à être réellement touchantes. Laurence Anyways est un film profondément immature et c'est finalement ce qui lui donne tout son charme. Alors que les maladresses de son scénario lui confère un côté insincère qui est pénible pendant le film, la sincérité non feinte du cinéaste permet de dépasser tout ça et d'offrir des scènes magnifiques, comme la scène finale nous faisant assister à la rencontre entre Laurence et Fred. Aussi, cette sincérité se ressent dans les dialogues, qui, s'ils en font parfois trop, transpirent l'honnêteté de la part de Dolan, ce qui fait que l'on ne peut pas franchement détester le film. Je crois qu'au final Laurence Anyways occupe une place peu voir pas du tout occupé dans le cinéma actuel, à savoir le film d'un artiste qui sort de l'adolescence, encore plein d'influences cinéphiles et musicales plus ou moins bien digérées, qui souffre peut-être d'une certaine immaturité sur certains aspects mais qui livre avec cette œuvre un film entier, où se retrouve toutes ses influences et ses interrogations. Ainsi, Laurence Anyways est une expérience un peu à part, souvent pénible, mais qui finit par charmer par son énergie et sa vitalité, et dont le couple vedette se révèle attachant, malgré les lieux communs et les facilités scénaristiques, pour finir par laisser un très bon souvenir en tête. On ne peut ensuite qu'espérer que la reconnaissance très prématurée dont bénéficie le cinéaste ne l'enferme pas dans sa bulle et le laisse mûrir, ce qui promet des œuvres futures qui pourraient être très intéressantes.
6,5/10