Possession de Andrzej Zulawski (1982) - 9/10
Possession est une œuvre sur la désintégration viscérale d’un couple où une frénésie salutaire exécrable aura raison de leurs vies et de leurs sentiments. De retour chez lui après un long voyage, un homme vit très mal le fait que sa femme ne veuille plus vivre avec lui. Elle veut retrouver son amant qui lui a fait découvrir les joies d’une sexualité ivre et débridée. Cependant, elle semble avoir changée, étant éprise d’une folie incontrôlable. Le dialogue est impossible entre les deux anciens amoureux, se finissant à chaque fois dans une cascade de décibels presque vociférés. Les crises sont nombreuses, souvent bizarres et incompréhensibles aux premiers abords, mais elles mettent un visage sur le maux de la dislocation sentimentale du couple. Andrzej Zulawski fait souffler une atmosphère austère à son film, presque post apocalyptique dans un Berlin aux ruelles vides de toute population et aux couleurs froides, comme si l’humanité avait disparu de la surface de la Terre. Derrière une ambiance qui devient de plus en plus hystérique et inhumaine, Possession dévoilera l’existence d’un deuxième amant, mystérieux, monstrueux, se révélant dangereux et démoniaque aliénant l’esprit de la jeune femme prête à tout pour lui.
Cette histoire d’adultère qui aurait pu s’avérer traditionnelle touchant de près ou de loin la notion du couple et des fondements qui le construisent et le déconstruisent, est une idée de cinéma complétement folle qui pourrait s’avérer hermétique tant certaines scènes nous précipitent dans un flou onirique obscur. Possession est un film pesant, crachant sa haine irréversible de soi-même, catapultant son film dans une colère soudaine, dévoilant la raison de l’émiettement de ce couple, en s’appuyant sur la force furieuse de la performance de ses acteurs vivant jusqu’au bout de leurs entrailles la souffrance et la honte de leurs personnages. Andrzej Zulawski n’impose aucune barrière à son film. Sa mise en scène virevolte autour de ses protagonistes, alliant plan large circulaire mobile jusqu’à n’en plus finir et plan resserré sur des visages graves faisant ressortir les regards troubles et possédés d’Isabelle Adjani et Sam Neil.
Le film pourrait se regarder comme une danse épileptique macabre et horrifique où rien n’est intériorisé, où toute la dimension émotionnelle passe par l’émulsion des corps, des regards, des cris primitifs. Parfois surjouées, pouvant faire poindre un petit ricanement moqueur, les prestations des acteurs terrifient rapidement à l’image de cette scène centrale du métro où Isabelle Adjani pète littéralement un plomb s’esclaffant comme une dérangé oppressée rejetant son démon par tous les pores de son corps. Malgré une volonté de symboliser à outrance son œuvre par des dialogues décrivant la honte de la disparité de la foi qui les gangrène, Possession est un film à la folie communicative, s’enfonçant de minutes en minutes vers un dérapage incontrôlé vers des sphères fantastiques et horrifiques malsaines surréalistes comme le prouve la séquence sexuelle entre Anna et son mystérieux amant tentaculaire, scène rappelant David Cronenberg avec sa dimension étroite entre le désir et la chair. Trop outrancier et funambule, Possession respire peu et laisse peu de place à l’empathie pour l’un et l’autre. Cela n’empêche que l’œuvre d’Andrzej Zulawski est une proposition de cinéma rageuse, torturée mettant en scène les doutes inconscients d’un couple en explosion.