Mommy |
Réalisé par Xavier Dolan Avec Antoine-Olivier Pilon, Anne Dorval, Suzanne Clément drame - canada 2014 - 2h18 |
6.5/10 |
SynopsisUne veuve mono-parentale hérite de la garde de son fils, un adolescent TDAH impulsif et violent. Au coeur de leurs emportements et difficultés, ils tentent de joindre les deux bouts, notamment grâce à l’aide inattendue de l’énigmatique voisine d’en face, Kyla. Tous les trois, ils retrouvent une forme d’équilibre et, bientôt, d’espoir.
CritiqueLe cinéaste phénomène du moment, ultra médiatisé çà coté duquel il était impossible de passer à coté ces dernières semaines. "Mommy" est donc le film événement de la semaine.
Malgré plusieurs tentatives infructueuses d’œuvres de Dolan, je retente ma chance avec celui-ci adulé de tous. Hélas, ce genre ne passe pas avec moi même si j'y reconnais des qualités incontestables.
"Mommy" nous plonge dans un monde qui a priori n'existe pas, avec pour une partie introductive pour nous expliquer qu'une loi votée au Canada (loi fictive donc) permet aux parents de se libérer de leurs droits parentaux et de les faire interner après avoir signé un consentement.
Puis, on nous présente le cas Steve (Antoine-Olivier Pilon) qui a 16 ans, age charnière entre adolescence et age adulte qui est clairement un enfant à problèmes qui accumule les violences, délits, injures etc.
Steve est atteint d'un trouble de l'attention, hyperactif.
Après un gros accident, il est remis sous la garde spécifique de sa mère après avoir enchaîné de multiples lieux de garde qui ont échoué pour le remettre sur la bonne voie.
Anne Dorval est Diane - la mère, qui a un look très voyant (bling bling, du genre Fran dans "nounou d'enfer"), pas distinguée pour un sou et qui semble aussi paumée que son pauvre fils. Mais les apparences sont trompeuses, on pourrait penser que cette Diane est une fille facile, une mauvaise mère mais Mommy va nous montrer que sous ses airs vulgaires se cache une mère courage qui cumule les galères dans la vie.
Cette femme n'a pas sa langue dans sa poche, tout comme son fils, ce qui donne droit à un déferlement de joutes verbales fleuries (avec l'accent en bonus !), de combats physiques et moraux.
Mommy va donc mettre en avant le quotidien de ce retour à la maison de Steve dans le giron de sa mère qui doit se réhabituer à la vie en société, devant suivre ses codes, ses règles, ses coutumes. On se doute que leurs retrouvailles vont découler sur des relations complexes faites de phase d'affection profonde et de rejet profond.
Suzanne Clément (la voisine) arrive à nouer des relations plus complices et profondes avec Steve car justement ce n'est pas sa mère et arrive à le faire évoluer positivement alors qu'au contact de Dia, il retombe dans de mauvais comportements.
Au sein de ce couple vient s’immiscer une étrangère (la voisine) campée par Suzanne Clément qui est aussi est une sorte de "cas social" vivant en ermite avec un traumatisme familial dramatique. Le contact avec le duo mère-fils si atypique va un peu la forcer à s'extraire de son confinement avec un rapport gagnant-gagnant.
Suzanne Clément est assez bluffante et largement au dessus des 2 autres interprètes livrant une palette émotionnelle large et crédible, sous ses airs timides, elle montre qu'il peut exister une explosion de colère refoulée.
Anne Dorval n'est pas en reste, entre la retenue ou l’extravagance mais son jeu est moins nuancé.
Enfin, j'ai vraiment du mal avec Antoine-Olivier Pilon en Steve qui est surement crédible mais tellement tête à claque et en surjeu, mais ceci est très pardonnable vu son jeune age.
Coté mise en scène, Dolan choisit de se la joue un peu Wes Anderson avec un format d'image atypique lors de 90% du film - le format 1/1 qui pour moi me dérange par simple habitude visuelle.
On peut se demande le choix de ce format si singulier et qui restreint beaucoup la praticité de réalisation. Ici, Dolan garde des plans stylistiques qu'on lui connait comme de longs plans de dos, plans hyper serrés (qui pour le coup le sont encore plus que d'habitude) sur les parties du visages, des mouvements rapides de caméras suivant les regards des protagonistes.
Ce format n'est pourtant pas omniprésent, Dolan se libère et retrouve le cinémascope lors de 3 séquences où le trio est en harmonie, ressent un sentiment de liberté profond sans pensées négatives, mais le format 1/1 revient rapidement dès qu'une mauvaise nouvelle, lorsqu'un conflit renaît ou dans une phase onirique.
Ce format pourrait donc signifier la vision étriquée de la vie morne et quotidienne de gens névrosés ou à problèmes qui n'arrivent pas à profiter pleinement de la vie car il y a toujours ces noires pensées qui sont là dans un recoin de leur tête.
Ou bien que le format 1/1 c'est le format des photos de selfies aussi.
Pas convainque par cette mise en scène qui donne esthétiquement peu de beaux plans, pas ma came du tout.
L'image est moins chiadée que d'habitude, on y retrouve beaucoup moins de plans poétiques par rapport à ses films précédents car le sujet est plus dramatique et social laissant moins de place à ce genre de lyrisme.
On pourra néanmoins noter quelques envolées avec des tubes des années 90 comme Dido, Wonderwall qui apportent une puissance supplémentaires aux images. D'autres titres plus locaux et d'un gout douteux comme Céline Dion ou Eiffel 65.
Ce Canada imaginaire a un coté très kitsch et visuellement plongé dans les années 90 : c'est un concours de fringues horribles, de maquillages outranciers qui sont en osmose avec la logorrhée de vulgarité. Un pays imaginaire et noir où la violence n'est jamais loin, mais il y a toujours une petite étincelle prête à déclencher une flambée de bonheur.
Pour moi le film est beaucoup trop long et répétitif, trop de dialogues insignifiants qui noient les répliques importantes, on cerne rapidement et facilement les personnages, le fait de rajouter indéfiniment des scènes qui se ressemblent sont superflues.
Dolan tente de montrer que les apparences sont trompeuses : la mère aux allures de fille facile est une mère courage plein de dignité même si elle n'est pas parfaite , son gamin tête à claque aux allures de gros dur est en fait un tendre qui cherche sa voie, qui est sous l'emprise de sa pathologie mais refuse de se soigner. On ne sait pas s'il agit sous l'effet de sa pathologie, de ses pulsions ou si tout celà est volontaire (d'ailleurs, sa maladie n'est évoquée qu'une fois et jamais surlignée).
Pour moi Steve n'emporte pas mon empathie, et du coup rate son coté émotionnel sur moi créant un stress à chaque dispute et une indifférence le reste du temps.
Ensuite, Dolan nous donne volontairement une image étriquée de Steve (avec un angle basé uniquement sur la relation maternelle) et les gros dérapages du jeune homme sont évoqués brièvement, on peut tout de même dire qu'ils sont gravissimes mais si Dolan avait fait des séquences flashback sur ces faits avec des images chocs, il aurait été encore moins facile de s'attacher émotionnellement à Steve.
Quand au dénouement du métrage lié aux décisions prises par la Mommy on peut dire que c'est étrange de la part de cinéaste si optimiste et en contradiction avec son discours à Cannes ("En bref, je pense que tout est possible à qui rêve, ose, travaille et n'abandonne jamais.").
Désolée mais la magie Dolan ne fonctionne pas sur moi.