Traversée de Paris (La) (1956) |
Un film de Claude Autant-Lara avec Jean Gabin, Bourvil. Louis de Funes Dialogue : Jean Aurenche et Pierre Bost |
9/10 |
Un des premiers films qui arriva à sortir du tabou pour décrire l'occupation dans un sens bien plus négatif que la posture officielle la voulait. Il ne fait pas bon remuer les idées d'occupation, de trahison possible et d'accord avec l'ennemi. Le statut c'est la résistance héroïque et l'occupation occulté. Le tableau est ainsi net !
L’accueil des producteurs fut difficile :
« Autant Lara, vous êtes ridicule. Vous nous apportez une histoire de cochon, pendant l’Occupation, alors que les gens ont envie de voir des bals avec des robes longues et de beaux habits. Et puis la guerre c’est dépassé! « Il trouvera qu’un producteur en difficulté financière pour l’aider... mais pour obtenir une liberté totale sur tous les aspects de son métrage il devra accepter une réduction sévère du budget et un passage en noir et blanc moins couteux.
Une période (l'Occupation) de toutes les bassesses et de toutes les bravoures et ou les Français étaient un peu absents d'eux-même. Elle est bien mise en lumière, cette période, par un réalisateur porteur de succès avec Le Diable au corps (1947) avec Gérard Philipe, ou L'Auberge rouge (1951) avec Fernandel, ou encore Le Blé en herbe (1954). Souvent lancé sur des sujets brulants à polémique, l'auteur était dans ses années les plus glorieuses et au fait de son expression filmique. Autant Lara aime agresser le confort mesquin des médiocres hypocrites.
Ces années 50 avait bien du mal à sortir de la torpeur des conventions, le monde du cinéma français s'endormait sur ses lauriers et les scénarios cultivaient les poncifs et les sujets maintes fois rabattus. Cela reste du cinéma de qualité, mais qui à besoin d'être houspillé. La Nouvelle Vague, au départ du magasine les cahiers du cinéma, donnait déjà du fil à retordre à tous ce beau monde.
La traversée de Paris est un échantillon de sujet brulant. Adapté d'une nouvelle de Marcel Aymé le réalisateur signe une oeuvre troublante pour l'époque. Le sujet est sombre, le marché noir et les compromissions, les comportements peu glorieux sont savamments mis en place.
On est loin du romantisme des films de résistance vantant l'esprit revanchard du peuple. Une comédie noire, douce amère filmé dans un style sobre convenant tout à fait a l'ambiance du métrage.
Le scénario et les dialogues sont confiés à la paire Jean Aurenche et Pierre Bost, leurs classisismes fera merveille pour mettre en avant une histoire difficile. L'équilibre entre comique des situations et cynisme du propos est tout à fait exécuté. Ils étaient également vilipendé pour cela.... leurs appartenance à un cinéma vieillot qui anime les films par leurs scénarios bien écrit au détriment de la mise en scène. Bon la critique est facile comme on dit !
Moi je vois de la saveur dans l'anecdote, une verve féroce, une truculence de la réplique.
Louis de Funès tourne une scène importante pour sa futur carrière, son personnage éructe, fait front et succombe sous les coups verbaux porté par Gabin. Bourvil est humble et lâche, Gabin imprévisible et fantasque, surtout avec son fameux « salaud de pauvres !». Il n'aimait pas son personnage le trouvant antipathique au possible, mais il exécute un numéro d'acteur fort. Une rencontre de caractères différents, qui devient grinçante lors du trajet plein d'imprévus montrant la peur, la faim, l'humiliation d'une population sous le joug de ses maîtres du moment.
Un film tourné en studio, Marcel Aymé ne voulait pas de Bourvil à la réputation de clown (Son jeu le fera changer d'avis). Truffaut fera méat culpa en s'exprimant sur ce film : « ...
la hargne, la vulgarité, l'outrance, loin de le desservir, haussent son propos jusqu'à l'épique «Un film que j'aime et que je revois avec le même plaisir à chaque fois.