Le Petit Garçon - Nagisa Oshima (1969)
Oshima reprend un peu de poil de la bête avec Le Petit Garçon, projet au départ pensé comme une réaction au climat politique foireux de l'époque et au fait qu'il ne croyait plus vraiment a ses idéaux gauchistes, ce qui fait l'effet d'une véritable remise en question formelle dans ce film, ne serait-ce que par la rigueur avec laquelle Oshima raconte son histoire bien qu'il garde toujours cet attrait pour les faits divers sordides et les personnages borderline pour mieux s'attaquer aux dérives de son pays. On est en effet plus proche des Plaisirs de la Chair que de La Pendaison, car son travail n'est jamais aussi pertinent (et accessible) que lorsque il s'attaque a des genres codés qu'il transforme de l’intérieur, en l’occurrence le road-movie qu'il aborde de manière efficace mais toujours personnelle.
Comme le titre l'indique, l'intrigue est centrée sur un petit garçon dont la famille est totalement dysfonctionnelle et sans attaches, en effet, celui-ci est contraint par ses parents marginaux, de se jeter sous les roues des voitures pour ensuite faire chanter les malencontreux conducteurs et donc vivre au jour le jour sans la pression d'un "vrai" travail, il est ainsi vu plus comme un "outil" qu'un véritable enfant, ce qui donne au départ une sensation de froideur dans le traitement qui sera justifié sur la durée. Le film se construit sur un équilibre binaire qui peut paraitre redondant (une arnaque/une scène de resto) mais on comprend vite que si Oshima avait toujours affiché un certain mépris contre toute forme d'autorité, il n'est pas plus tendre avec ces gens volontairement déphasés qui profitent lâchement du système tant qu'ils peuvent tirer sur la corde. Ceci dit, Le Petit Garçon m'aurait paru plus fort s'il avait adopté un regard d'enfant plus convaincant, là en l’occurrence le personnage du grand frère est une figure un peu trop mature même s'il se rattrape lors de brefs moments où il est seul avec son petit frère, le protégeant de cette situation en lui racontant des histoires, Oshima délaissant un temps sa noirceur habituelle pour quelque chose de plus humain et poétique.
Mais je n'ai pas encore parlé véritablement la façon dont le road-movie est abordé, là où dans La Pendaison il s'amusait donner du mouvement a une situation statique en faisant évoluer son décor (huis-clos oblige), ici il fait le contraire absolu, en donnant l'impression d'un road movie figé où le voyage n'est qu'un bref épisode dans l'histoire mais où surtout la caméra est d'une fixité rare chez Oshima : fini les plans séquences subtilement baladeurs, c'est la succession de plans figés qui suggèrent le mouvement, arrivant à faire croire a un voyage du sud au nord du Japon, commençant par le charme ensoleillé de Shikoku jusqu'au climat hivernal d'Hokkaido, les amoureux de ce pays seront ravis par la façon dont chaque région est mise en valeur et on sent toujours les différences d'architecture, de climat ou d'ambiance générale sans forcément qu'on mette des cartons a chaque fois pour nous expliquer a chaque fois qu'on a changé d'endroit, ce qui est une belle marque de confiance envers son public. Même s'il se laisse parfois aller a des fautes de goût (je pense a toute la fin en voix-off où on explique le passé tumultueux des parents, alors que ça ne change pas grand chose), je reste toujours admiratif des propositions visuelles de Nagisa Oshima et de sa volonté de ne jamais vouloir brosser le spectateur dans le sens du poil en offrant des conclusions toujours aussi désespérées.
7/10
Comme le titre l'indique, l'intrigue est centrée sur un petit garçon dont la famille est totalement dysfonctionnelle et sans attaches, en effet, celui-ci est contraint par ses parents marginaux, de se jeter sous les roues des voitures pour ensuite faire chanter les malencontreux conducteurs et donc vivre au jour le jour sans la pression d'un "vrai" travail, il est ainsi vu plus comme un "outil" qu'un véritable enfant, ce qui donne au départ une sensation de froideur dans le traitement qui sera justifié sur la durée. Le film se construit sur un équilibre binaire qui peut paraitre redondant (une arnaque/une scène de resto) mais on comprend vite que si Oshima avait toujours affiché un certain mépris contre toute forme d'autorité, il n'est pas plus tendre avec ces gens volontairement déphasés qui profitent lâchement du système tant qu'ils peuvent tirer sur la corde. Ceci dit, Le Petit Garçon m'aurait paru plus fort s'il avait adopté un regard d'enfant plus convaincant, là en l’occurrence le personnage du grand frère est une figure un peu trop mature même s'il se rattrape lors de brefs moments où il est seul avec son petit frère, le protégeant de cette situation en lui racontant des histoires, Oshima délaissant un temps sa noirceur habituelle pour quelque chose de plus humain et poétique.
Mais je n'ai pas encore parlé véritablement la façon dont le road-movie est abordé, là où dans La Pendaison il s'amusait donner du mouvement a une situation statique en faisant évoluer son décor (huis-clos oblige), ici il fait le contraire absolu, en donnant l'impression d'un road movie figé où le voyage n'est qu'un bref épisode dans l'histoire mais où surtout la caméra est d'une fixité rare chez Oshima : fini les plans séquences subtilement baladeurs, c'est la succession de plans figés qui suggèrent le mouvement, arrivant à faire croire a un voyage du sud au nord du Japon, commençant par le charme ensoleillé de Shikoku jusqu'au climat hivernal d'Hokkaido, les amoureux de ce pays seront ravis par la façon dont chaque région est mise en valeur et on sent toujours les différences d'architecture, de climat ou d'ambiance générale sans forcément qu'on mette des cartons a chaque fois pour nous expliquer a chaque fois qu'on a changé d'endroit, ce qui est une belle marque de confiance envers son public. Même s'il se laisse parfois aller a des fautes de goût (je pense a toute la fin en voix-off où on explique le passé tumultueux des parents, alors que ça ne change pas grand chose), je reste toujours admiratif des propositions visuelles de Nagisa Oshima et de sa volonté de ne jamais vouloir brosser le spectateur dans le sens du poil en offrant des conclusions toujours aussi désespérées.
7/10