Les chemins de la liberté, Peter Weir (2011)
C'est du pur film de survie, qui se déroule dans un contexte précis, les goulags en Sibérie et la tyrannie du communisme. En une explication textuelle et une délation forcée, le sujet est posé, pour qu'on puisse enfin se concentrer sur l'essentiel, à savoir les détails tournant autour des conditions de survie, d'une part dans les camps, puis à l'extérieur qui en sera une extension pure et simple. Car comme l'a proclamé l'un des gardiens, la véritable prison ce n'est pas eux, les gardiens, mais la nature, qui les coupe de toute civilisation.
L'une des conditions de réussite pour un film de survie, c'est la crédibilité. Mission réussie globalement, hormis l'évasion qui est vraiment trop rapidement exécutée. Même le passage progressif du russe à l'anglais est assez plausible, certains d'entre-eux l'ayant appris au contact d'étrangers, et le vocabulaire étant relativement simple. Les lieux de captivité ainsi que les détails de survie sont convaincants, la moindre miette étant un nectar, la graisse, un outil, et le troc, une règle primordiale (parfois très violent le troc ...). Plusieurs types de personnages nous sont présentés, qui formeront le groupe d'évasion, et parmi eux : le "gentil" (prêt à ajouter de nouveaux membres sans raison préalable), le réaliste (guidé par la survie pure), le franc-tireur (se démarquant par une témérité qui va s'avérer précieuse), l'artiste, et plus tard, une fille. Tous des composants qui deviendront peu à peu essentiels, alors qu'au départ, seuls le pragmatisme et la méfiance mutuelle semblaient être l'unique vertu requise, et qui suffisaient dans le camp puisque malgré les restrictions, un toit, de la bouffe et de l'eau, ça change tout. En effet, pour tenir aussi longtemps sur une si longue distance, ils se rendront compte qu'il leur faut un petit "plus", qui ne repose pas sur le chacun pour soi, mais sur l'équilibre des forces. Ainsi l'artiste, tout comme la femme, apparemment inutiles, apportent l'humanité aux autres, délient les langues, là où les réalistes apportent la bouffe ou autres éléments essentiels comme la direction géographique ou la survie purement physique. Nous retrouvons donc ici tous les thèmes de prédilection de Weir : liberté, le problème des frontières, et enfin la communauté humaine. Il y a même quelques scènes qui m'ont rappelé ses autres films, comme deux mirages qu'expérimentent deux d'entre-eux en état de fatigue extrême, et qui représente leur foyer. Cette confrontation entre réel et idéal, ici sur un plan physique, est l'une des grandes interrogations constantes du réalisateur.
Après le détail des conditions de survie, l'autre gros point fort et central du film est la photographie © National Geographic, absolument magnifique, très bien mise en valeur, autre élément important du film puisque la seconde partie n'est en fait qu'une longue randonnée. Nous passons parfois un peu trop rapidement d'un environnement à l'autre (surtout à la fin avec le passage de l'Himalaya, qui devrait être une épopée en soi, mais qui se déroule en 2-3 plans), et il manque un peu de repères temporels par ci par là. Mais globalement il serait quand même possible de retracer précisément leur périple par la diversité des lieux rencontrés qui ont certainement fait l'objet de repérages précis. Et puis je ne peux être qu'impressionné par l'immersion provoquée par ces grands extérieurs en vue panoramique. Il s'agit d'un véritable personnage à part entière, gardiens silencieux et écrasants pour ces prisonniers en quête de liberté, qui se fondent totalement dans ces immensités désertiques durant certains plans. Les effets sur le corps de cette longue marche sont très bien vus : assèchement de la peau, pieds qui gonflent, mirages, amaigrissement, dents pourries, regards hallucinés et désespérés. Le coeur de ces scènes est la manière dont le groupe parvient à s'adapter face à leurs différents environnements naturels, les vêtements d'hiver devenant dans le désert des protections contre le soleil et le sable, ou encore les animaux y compris les plus dangereux devenant des guides naturels vers les sources d'eau. Face à la mort et l'épuisement total, tous deviennent différents, revenant à l'essentiel : tout repose sur deux besoins, les besoins physiques (eau et nourriture), et le contact humain, qui va bien au-delà du simple respect de la vérité ou du pragmatisme, où le soutien et la compréhension mutuels (relancés par la fille, qui découvre que les autres ont gardé l'habitude de la suspicion depuis le camp de travail), sans détours sophistiqués, ce que j'appelle la survie mentale, deviennent tout aussi importants que la survie pure et simple du corps (je retiens aussi cette scène où on découvre un temple complètement détruit, un lieu de spiritualité interdit en terre communiste). Chacun porte une histoire complexe en lui-même que l'on apprend peu à peu. Pour moi, cette évolution mentale se faisant au détriment du corps est le véritable fil du conducteur du récit, son facteur de cohésion, plus encore que le défilement logique des environnements. Enfin, les derniers plans en sur-impression sont à la fois simples et beaux, un peu à l'image de la réalisation du film. Celle-ci est en effet sobre par sa mise en scène, sans esbroufe, mais aussi magnifique par les thèmes abordés et leur traitement, et aussi par la valorisation des extérieurs. Pour revenir à cette scène finale, elle concentre l'essence du film, résume sa plus longue marche, celle qui sépare les individus de l'avènement de l'histoire où enfin toutes les conditions de la liberté seront remplies, et les frontières entre les individus, abolies. A l'image du début, c'est concis, efficace, un petit concentré d'émotions.
L'une des conditions de réussite pour un film de survie, c'est la crédibilité. Mission réussie globalement, hormis l'évasion qui est vraiment trop rapidement exécutée. Même le passage progressif du russe à l'anglais est assez plausible, certains d'entre-eux l'ayant appris au contact d'étrangers, et le vocabulaire étant relativement simple. Les lieux de captivité ainsi que les détails de survie sont convaincants, la moindre miette étant un nectar, la graisse, un outil, et le troc, une règle primordiale (parfois très violent le troc ...). Plusieurs types de personnages nous sont présentés, qui formeront le groupe d'évasion, et parmi eux : le "gentil" (prêt à ajouter de nouveaux membres sans raison préalable), le réaliste (guidé par la survie pure), le franc-tireur (se démarquant par une témérité qui va s'avérer précieuse), l'artiste, et plus tard, une fille. Tous des composants qui deviendront peu à peu essentiels, alors qu'au départ, seuls le pragmatisme et la méfiance mutuelle semblaient être l'unique vertu requise, et qui suffisaient dans le camp puisque malgré les restrictions, un toit, de la bouffe et de l'eau, ça change tout. En effet, pour tenir aussi longtemps sur une si longue distance, ils se rendront compte qu'il leur faut un petit "plus", qui ne repose pas sur le chacun pour soi, mais sur l'équilibre des forces. Ainsi l'artiste, tout comme la femme, apparemment inutiles, apportent l'humanité aux autres, délient les langues, là où les réalistes apportent la bouffe ou autres éléments essentiels comme la direction géographique ou la survie purement physique. Nous retrouvons donc ici tous les thèmes de prédilection de Weir : liberté, le problème des frontières, et enfin la communauté humaine. Il y a même quelques scènes qui m'ont rappelé ses autres films, comme deux mirages qu'expérimentent deux d'entre-eux en état de fatigue extrême, et qui représente leur foyer. Cette confrontation entre réel et idéal, ici sur un plan physique, est l'une des grandes interrogations constantes du réalisateur.
Après le détail des conditions de survie, l'autre gros point fort et central du film est la photographie © National Geographic, absolument magnifique, très bien mise en valeur, autre élément important du film puisque la seconde partie n'est en fait qu'une longue randonnée. Nous passons parfois un peu trop rapidement d'un environnement à l'autre (surtout à la fin avec le passage de l'Himalaya, qui devrait être une épopée en soi, mais qui se déroule en 2-3 plans), et il manque un peu de repères temporels par ci par là. Mais globalement il serait quand même possible de retracer précisément leur périple par la diversité des lieux rencontrés qui ont certainement fait l'objet de repérages précis. Et puis je ne peux être qu'impressionné par l'immersion provoquée par ces grands extérieurs en vue panoramique. Il s'agit d'un véritable personnage à part entière, gardiens silencieux et écrasants pour ces prisonniers en quête de liberté, qui se fondent totalement dans ces immensités désertiques durant certains plans. Les effets sur le corps de cette longue marche sont très bien vus : assèchement de la peau, pieds qui gonflent, mirages, amaigrissement, dents pourries, regards hallucinés et désespérés. Le coeur de ces scènes est la manière dont le groupe parvient à s'adapter face à leurs différents environnements naturels, les vêtements d'hiver devenant dans le désert des protections contre le soleil et le sable, ou encore les animaux y compris les plus dangereux devenant des guides naturels vers les sources d'eau. Face à la mort et l'épuisement total, tous deviennent différents, revenant à l'essentiel : tout repose sur deux besoins, les besoins physiques (eau et nourriture), et le contact humain, qui va bien au-delà du simple respect de la vérité ou du pragmatisme, où le soutien et la compréhension mutuels (relancés par la fille, qui découvre que les autres ont gardé l'habitude de la suspicion depuis le camp de travail), sans détours sophistiqués, ce que j'appelle la survie mentale, deviennent tout aussi importants que la survie pure et simple du corps (je retiens aussi cette scène où on découvre un temple complètement détruit, un lieu de spiritualité interdit en terre communiste). Chacun porte une histoire complexe en lui-même que l'on apprend peu à peu. Pour moi, cette évolution mentale se faisant au détriment du corps est le véritable fil du conducteur du récit, son facteur de cohésion, plus encore que le défilement logique des environnements. Enfin, les derniers plans en sur-impression sont à la fois simples et beaux, un peu à l'image de la réalisation du film. Celle-ci est en effet sobre par sa mise en scène, sans esbroufe, mais aussi magnifique par les thèmes abordés et leur traitement, et aussi par la valorisation des extérieurs. Pour revenir à cette scène finale, elle concentre l'essence du film, résume sa plus longue marche, celle qui sépare les individus de l'avènement de l'histoire où enfin toutes les conditions de la liberté seront remplies, et les frontières entre les individus, abolies. A l'image du début, c'est concis, efficace, un petit concentré d'émotions.
Malgré de petits problèmes de fluidité dans le détail, une très belle épopée humaine, tour à tour réaliste et humaniste, désespérée et courageuse, avec au coeur la survie de la communauté humaine face à son environnement naturel. Parmi les points forts, je retiens la crédibilité des situations de survie et la photographie.