Le Samouraï |
Réalisé par Jean-Pierre Melville Avec Alain Delon, Nathalie Delon, François Périer, Cathy Rosier
Polarl, France, 1h45- 1967 |
9/10 |
Résumé : Jeff Costello est un tueur à gages dont le dernier contrat ne s’est pas exactement déroulé comme il l’avait planifié, ce qui lui vaut d’être suspecté par le commissaire chargé de l’enquête…
Le Samouraï est une excellente série noire dans laquelle Jean-Pierre Melville, maître du cinéma policier cristallise toutes ses thématiques favorites : une dimension stylistique, un fatalisme et un pessimisme hérités du film noir, un personnage solitaire dont la vie est régie par un code d’honneur hérité du chanbara et son sens de l’épure visuelle et narrative.
Le cinéma de
Melville est marqué par un sens du dépouillement de la mise en scène dans laquelle l’action ne doit pas être parasitée par les décors ou le spectaculaire. Dans le Samouraï, seuls importent, la précision des gestes, le souci des habitudes et du détail, ainsi que le professionnalisme méthodique du tueur dont la mécanique se dérègle peu à peu. Cette codification des habitudes est symbolisée notamment, par des scènes doubles : scènes du changement des plaques d’immatriculation, scènes du trousseau de clés et du vol de voiture. Comme un contre-point aux codes et aux règles qui déterminent le rythme de vie du tueur,
Melville nous plonge également dans l’organisation qui guide les enquêtes de l’autre coté de la loi : arrestations, tapissage, interrogatoires, filatures.
Melville base son œuvre sur un concept simple et efficace : un décor minimaliste, une histoire basique, un personnage emblématique. Cinéaste presque existentialiste qui utilise la mobilité de la caméra pour s’accrocher aux pas de son personnage, maître de ses actes et de son destin.
Jeff Costello est l’archétype même de l’anti héros «
melvillien », tigre solitaire, taciturne, indifférent face à la réussite ou à l’échec. Personnage méthodique dans son quotidien, précis dans ses gestes. Homme traqué, engagé dans un jeu du chat et de la souris avec la police et ses commanditaires.
Ses errances sans fin pour « échapper » aux filatures, dans les rues et les couloirs du métro d’un Paris nimbé de grisaille, prennent des allures de « flâneries » mélancoliques qui le conduisent inexorablement vers un destin funeste. Typiquement «
melvillien » jusque dans son code vestimentaire : chapeau mou, pistolet automatique, imperméable ou dans son quasi mutisme. Car
Melville est l’antithèse d’
Audiard, pas d’envolées verbales, juste des dialogues directs et secs sans superflus. Autant dire que dans le visage impassible et le regard glacial d’
Alain Delon, Melville a trouvé la représentation idéale et parfaite de son
Samouraï. A noter que le petit oiseau dans sa cage apporte une touche d’humanité à l’environnement ascétique du tueur. Cet oiseau solitaire est littéralement le reflet de Jeff, car comme tout oiseau en cage, dès que ses habitudes sont contrariées par une présence étrangère, il s’agite.
François Périer, Nathalie Delon et
Cathy Rosier sont également excellents dans les rôles respectifs du commissaire, de la maîtresse de Jeff et de la pianiste.
Enfin, Melville diffuse une tension lancinante qui s’appuie sur de discrets accords de saxophone, sur le souffle d’une respiration haletante, sur le cliquetis d’un trousseau de clés ou sur le pépiement inquiet d’un oiseau. Nul besoin de musique stridente ou envahissante pour marquer le suspense.
Le Samouraï est un polar fascinant et l’une des œuvres les plus abouties et emblématiques du cinéma de Jean-Pierre Melville.