Un film plus axé sur la personnalité des rebellesComme
13 tueurs, c'est un film très historique, et reprend la voix-off pour expliquer le déroulement du récit. On retrouve la même trame générale : un tyran qu'on veut assassiner, pour faire tomber l'Etat policier qui ne fait plus attention aux besoins de la population. Mais ce qui change, ce sont d'abord les acteurs de l'attentat : non plus un clan qui embauche des samouraïs errants, mais des individus qui s'agglomèrent en une organisation rebelle secrète. Ainsi, l'esprit du sacrifice du groupe au détriment des individualités est repris, mais à l'envers, puisque ce n'est plus un clan qui impose aux individus de marcher avec eux dans la même direction, mais des individus qui choisissent de se rallier à la même cause. Les personnages sont donc mieux développés que dans
13 tueurs, dans lequel ils étaient écrasés par l'esprit de samouraï niant tout sentiment individuel.
Trois personnages sont particulièrement intéressants, rencontres du hasard, et qui sont "objectivement" les héros en tant qu'ils orientent le récit :
- Un homme s'appelant Jinbo (joué par Chiezo Kataoka, qui était le fameux joueur de cithare dans
13 tueurs, et qui représente encore ici le passage à la résistance) qui a vu sa femme se faire tuer en pleine rue, alors qu'il avait simplement essayé d'aider un ami qui s'était introduit chez lui, et qui s'avérait être un rebelle. Il incarne l'injustice qui justifie toutes les rébellions.
- Une femme dont l'identité est au départ mystérieuse, et qui tient lieu d'intermédiaire entre les alliés. Elle représente l'anonymat des individus qui jouent un rôle important et tragique, puisqu'elle vit une souffrance à la fois physique (plusieurs fois elle s'est fait violée dont une fois par un moine censé représenter les valeurs morales, afin de préserver la cohérence du groupe malgré les tendances anarchiques de quelques-uns) et morale (elle tue ou commandite le meurtre de tous les traîtres). C'est elle qui va inciter Jinbo à rejoindre les rebelles, en l'aidant à transformer son besoin individuel de vengeance en cause collective contre l'auteur général de ces crimes.
- Un deuxième homme qui rencontre Jinbo, et défend le principe suivant : "ne pas déranger et ne pas être dérangé" ... jusqu'à qu'une expérience similaire lui arrive. Il possède un sabre inutilisé qui connaîtra lui aussi un destin particulier, instrument de la mort du tyran.
Avant la bataille finale, les deux premiers personnages se confient l'un à l'autre, assumant leurs choix d'appartenir à la rébellion, mais dont la raison est opposée : tandis que la femme se sacrifie involontairement mais agit par nécessité, l'homme attribue au sacrifice de sa propre vie un sens positif (ses 7 derniers jours auraient été les plus intenses de sa vie).
Climax et réalisationLe Climax, comme dans
13 tueurs, nous amène à une guerre très réaliste, combats désordonnés, de boue et de sang, et où de nombreux coups de sabres sont nécessaires pour provoquer la mort. Le schéma stratégique (connaissance du trajet, embuscade dans un village) est pratiquement le même, à l'exception près qu'il n'y a pas de transformation du village en forteresse piégée, et donc on a droit à un joyeux bordel question stratégie (seul le coup d'envoi est maîtrisé, par l'utilisation de chevaux sans cavaliers envoyés contre l'armée bien organisée qui ainsi se retrouve en situation d'urgence, ensuite c'est au bonheur la chance). La fin est superbe (je trouve que ce réalisateur sait terminer ses films) : tous les rebelles se font massacrer, le sabre en question est brisé, représentant à la fois l'échec et l'acharnement à ce que la mission réussisse (puisque son porteur l'utilisera jusqu'à la mort). Et enfin l'arme est reprise par le fameux oisif dont j'ai parlé, et à qui personne ne faisait attention, adhérant par surprise à la rébellion après avoir vu tous ces innocents mourir, et surtout après avoir entendu les rires des victorieux qui y ont succédé, marque d'irrespect total pour ceux qui sont morts.
La réalisation m'a semblé plus dynamique que dans
13 tueurs, moins cantonnée dans les palais des oppresseurs où règnent les attitudes codifiées, et montrant davantage les quartiers animés de la ville, rendant ainsi l'ensemble plus vivant et entraînant. De même, il y a ce vent d'oppression omniprésent du côté des dirigeants, et cette tension du côté des rebelles à la limite d'échouer, qui gardent le spectateur éveillé malgré la lenteur du récit. Pour terminer, c'est de nouveau très stylisée (chaque plan semble signifier quelque chose : par exemple, j'ai remarqué un plan plaçant le fameux sabre en première ligne de mire, indiquant le rôle important qu'il aura à jouer).
BilanEn conclusion, j'accroche moins à ce film qu'à un Kurosawa ou un Kobayashi, pour demeurer dans le même genre historique, mais je pense que je le verrai à la hausse avec le temps (surtout au niveau de la réalisation qui sort un peu plus des sentiers battus que dans
13 tueurs, à la fois plus dynamique et signifiante). Et ce type de films est important pour tous ceux qui veulent approcher de près aux notions de loyauté et de sacrifice individuels au nom de l'intérêt de tous, et de l'histoire du Japon - et particulièrement de la situation des samouraïs devenus de simples assassins, loin de l'héroïsme d'antan - qui est ici fidèlement représentée.