A toute épreuve |
réalisé par John Woo
avec Chow Yun-Fat, Tony Leung, Anthony Wong, Philip Kwok, Teresa Mo
Polar, Action, HK, 2h02 - 1992 |
9,5/10 |
Résumé : Quelques jours avant la rétrocession, les guerres entre les gangs font rage à Hong-Kong. Tequila, un flic tête-brûlée, jure de venger son meilleur ami tué lors d'une fusillade. Son chemin croise bientôt celui d'un mystérieux tueur à gages...
Une histoire basique de flics en guerre contre le crime organisé et de guerre des gangs, sur fond d’amitié, de complicité et de rivalité viriles, sublimée par le sens du cadre et les effets de style chers à John Woo qui se mue en un ballet de sang et de mort, au rythme des projectiles qui sifflent et des souffles d’explosions. Le temps suspend son vol pour magnifier cette chorégraphie de la violence et du chaos qui envahit chaque lieu de Hong-Kong : restaurant, bibliothèque, entrepôt, voilier…hôpital dans un déluge de gunfight.
Le chaos qui règne dans la ville est le reflet du doute, de l’incertitude, de la fébrilité et de l’angoisse qui règnent dans les esprits et notamment dans celui de John Woo à l’aube de la rétrocession de Hong-Kong à la Chine. La musique aux accords souvent mélancoliques participe à la diffusion de cette impression de marche vers l’inconnu, de fin d’une époque pour Hong-Kong et de nouveau départ pour le réalisateur qui a décidé de voguer vers d’autres horizons. Dès lors John Woo ne s’embarrasse pas de réalisme et abandonne le peu de mesure qu’il possédait, pour livrer une oeuvre de la démesure. A toute épreuve devient en quelque sorte son cadeau de départ, sa vision exacerbée, désordonnée et déformée du futur de Hong-Kong. Il nous entraîne à sa suite, dans cette sensation de vivre sur une poudrière qui explose dans un final d’anthologie dans un centre hospitalier. L’hôpital, lieu de naissance, de guérison, où la vie combat la mort, devient siège de l’apocalypse et la main de la faucheuse n’épargne personne, pas même les malades, les infirmes ou la Maternité. Un climax dantesque qui atteint son apothéose dans le duel Tequila/Tony contre Mad Dog et dans la tentative de sauvetage de nourrissons pris au piège d’un hôpital assiégé et en flamme.
John Woo réunit le casting idéal et ne s’encombre pas de grands développements psychologiques.
Il livre une vision presque brute de décoffrage, son propos c’est le désordre, la tension pas les grands sentiments. Ses deux flics sont des justiciers aux méthodes expéditives et musclées, dont la seule loi est celle des armes. La frontière est mince entre les flics et les criminels lorsqu’il s’agit de défendre leurs objectifs respectifs, la justice pour les uns, le profit et le pouvoir pour les autres.
Chow Yun-Fat excelle dans ce rôle sur mesure, désinvolte et percutant.
Tony Leung a exactement cette touche nécessaire d’aura mystérieuse pour incarner Tony. Ses criminels sont de vrais salauds, l’un déjanté incarné par l’excellent
Anthony Wong, l’autre ultra-violent mais doté de quelques principes incarné par
Philip Kwok qui a indéniablement le physique de l’emploi, inquiétant et brutal à souhait. On notera la présence de
John Woo dans le rôle d’un barman philosophe.
Un bémol de taille pour moi, les intermèdes comiques destinés à dynamiter quelque peu la tension. D’une certaine manière, la pause minute d’un film au rythme fou. Il est vrai que je suis hermétique à l’humour asiatique et notamment à la relation homme/femme (Tequila/Teresa) ou chef/subordonné (Pang/Tequila) typique de cet humour lourdingue qui manque totalement de subtilité. Des interludes que j’ai subit et qui ne m’ont pas fait rire. Seule idée originale et bien trouvée : les bouquets de fleurs et puis à la rigueur le pipi providentiel. Mais cet humour auquel je n’adhère pas est bien l’unique défaut du film.
Déluge de pyrotechnie et de scènes d’action violentes et inventives, A toute épreuve est un incontournable du polar de Hong-Kong, un chef-d’œuvre du cinéma d’action.